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Diplôme national du brevet

Brevet 2022 – Sujet et corrigé

Diplôme national du brevet 2022

Épreuve de français (série générale)

A. Texte littéraire
Le Lion et le Moucheron

La Fontaine « Va-t’en, chétif insecte, excrément de la terre ! »
         C’est en ces mots que le Lion
         Parlait un jour au Moucheron.
         L’autre lui déclara la guerre.
« Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
         Me fasse peur ni me soucie ?
         Un bœuf est plus puissant que toi :
         Je le mène à ma fantaisie. » À peine il achevait ces mots
         Que lui-même il sonna la charge
         Fut le Trompette et le Héros.
         Dans l’abord il se met au large ;
         Puis prend son temps, fond sur le cou
         Du Lion, qu’il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle ;
Il rugit ; on se cache, on tremble à l’environ ;
         Et cette alarme universelle
         Est l’ouvrage d’un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle :
Tantôt pique l’échine, et tantôt le museau,
         Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu’il n’est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air, qui n’en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat : le voilà sur les dents.
L’insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l’annoncer, et rencontre en chemin
         L’embuscade d’une araignée ;
         Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire,
         Qui périt pour la moindre affaire.

Jean de La Fontaine, Fables, livre II, fable 9, 1668

B. Illustration d’Auguste Vimar pour le recueil Les Fables de La Fontaine

Illustration d’Auguste Vimar pour le recueil Les Fables de La Fontaine

Ce corrigé a été rédigé par Jean-Luc.
Compréhension et compétences d’interprétation (32 points)
1. Vers 1 à 8 :

a) Qui parle au vers 1 ? À qui s’adresse-t-il ? (1 point)

C’est le Lion qui injurie le Moucheron. On peut le déduire des indications :
« C’est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron. »

b) Quelle réaction ce propos déclenche-t-il et pourquoi ? (2 points)

Le Moucheron, insulté et vexé, déclenche les hostilités à l’encontre de celui qui l’a agressé verbalement.

2. Vers 9 à 29 :

a) Quel animal domine le combat ? Justifiez votre réponse en relevant trois expressions dans ce passage. (2 points)

Le Moucheron domine le combat. La Fontaine marque le fait par les trois notations suivantes :

  • Il « Fut le Trompette et le Héros. »
  • « il rend presque fou » le Lion
  • « L’insecte du combat se retire avec gloire :
    Comme il sonna la charge, il sonne la victoire ».

b) Quelle tactique est utilisée par le moucheron aux vers 12 à 29 ? Quel en est le résultat ? (3 points)

Le Moucheron utilise, dans un premier temps, sa petite taille et sa vivacité pour attaquer le Lion de tous côtés. Puis, il le pique à l’intérieur du corps, là où il ne peut être atteint. Le Lion s’épuise sous les assauts incessants, il se blesse en retournant ses armes contre lui. Il devient « presque fou » et s’écroule, exténué.

c) Comment le fabuliste met-il en évidence le mouvement et l’agitation du combat ? Pour justifier votre réponse, vous vous appuierez notamment sur les verbes, les adverbes et le rythme des vers. (4 points)

La Fontaine donne progressivement de la vitesse aux attaques du Moucheron :
« Dans l’abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou »
« Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle :
Tantôt pique l’échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau. »
Les dernières attaques se multiplient, en se diversifiant, ce qui est rendu par la répétition ternaire des « tantôt », la diversité des parties du corps visées
Le Lion manifeste son impuissance, par un comportement inefficace : la fureur des rugissements, la bave rageuse, la colère du regard. Par la suite, il multiplie les blessures qu’il se porte par des coups non maîtrisés :
« Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air, qui n’en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat… »
On peut noter l’accumulation des verbes d’action juxtaposés, au présent de narration pour dynamiser le récit, d’abord dans une agitation qui culmine (deux alexandrins), puis qui s’épuise (un hémistiche), et s’éteint dans un contre-rejet au rythme décroissant (6/4/2).

3. Vers 15 à 29 :

Par quels groupes nominaux le lion est-il désigné ? Quel est l’effet produit ? (3 points)

Les groupes nominaux qui désignent le lion sont : « le quadrupède » au vers 15, « la bête » (v. 24), « le malheureux lion » (v. 26). Les deux premiers groupes pointent sur l’animalité du lion. « [S]on titre de Roi » (vers 5) en est obscurci. Le troisième groupe confirme que le puissant monarque est ramené à un sort commun. L’effet produit est satirique : la puissance est illusoire, elle ne peut nous protéger, les personnages haut placés n’en restent pas moins des êtres ordinaires.

4. Vers 30 à 34 :

Quel est le retournement de situation raconté par cette fable ? (2 points)

Le Moucheron, vainqueur de plus puissant que lui, tout aveuglé par sa gloire, ne se méfie pas de la toile d’araignée tendue sur son chemin : après l’exploit, la fin misérable. Ce retournement de situation imprévu s’appelle une chute.

5. Au cours de la fable, de quel défaut le Lion et le Moucheron font-ils preuve à tour de rôle ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l’ensemble de la fable. (5 points)

Le Lion se montre suffisant, il méprise le petit Moucheron, ce qui se traduit dans ses insultes et jugements : « chétif insecte, excrément de la terre ! », « avorton de Mouche ». Son propos débute par un ordre comminatoire de rejet : « Va-t’en ». Par la suite, il ne sait pas maîtriser ses émotions, il est dominé par la rage et perd toute lucidité.
Le Moucheron, au départ remarquable par son courage, puis par son habileté tactique, est victime de son orgueil qui l’aveugle. Ce point est souligné par la publicité tapageuse du vainqueur dans la répétition du verbe « sonne », et son manque de mesure dans l’adverbe « partout ».
Les deux animaux sont donc vaincus par le même défaut.

6. Vers 35 à 39 : Comment comprenez-vous les deux enseignements que le fabuliste donne au lecteur ? (4 points)

La première moralité est une invitation à ne pas sous-estimer nos ennemis, en particulier ceux qui nous semblent inoffensifs. Le fabuliste souligne son propos par une antithèse de superlatifs : « Les plus à craindre sont souvent les plus petits ». La seconde est plutôt un constat : la condition humaine est fragile. Glorieuse ou insignifiante, la fin est certaine. Ce point de vue est renforcé par la paronomase doublée d’une antithèse entre « grands périls » et « périt pour la moindre affaire ».

7. Image (Illustration d’Auguste Vimar pour le recueil Les Fables de La Fontaine, Alfred Mame, 1897) :

a) Comment l’illustration donne-t-elle à voir les effets de l’attaque du moucheron sur le lion ? (4 points)

Le Lion s’exprime dans une sarabande désordonnée. Il se contorsionne en tous sens, la tête inclinée vers le sol. Les gestes de défense sont inefficaces, le regard est fixé sur l’assaillant.

b) Comment s’y prend l’illustration pour laisser entrevoir la fin de la fable ? (2 points)

Le dessinateur a placé une petite toile d’araignée dans la partie basse gauche de l’illustration. Notre attention est de prime abord attirée par le corps du lion qui occupe presque toute la surface en position centrale. Le regard du lion nous conduit vers le petit moucheron, presque un point au centre. L’insecte, tourné vers son puissant adversaire, ne voit sans doute pas la toile d’araignée située toute proche dans son dos.

Grammaire et compétences linguistiques (18 points)

8. « L’autre lui déclara la guerre » (vers 4).

a) Donnez la fonction précise de chaque complément souligné. (1 point)

« Lui » est un COI ou COS du verbe déclarer. « La guerre » est le COD de ce verbe.

b) Réécrivez la phrase en remplaçant le pronom « lui » par le groupe nominal auquel il renvoie. (1 point)

L’autre déclara la guerre au Lion.

c) Quelles manipulations avez-vous utilisées pour identifier la fonction de « la guerre » ? (2 points)

Le noyau de la phrase est le verbe. « Déclarer » a comme sujet « l’autre ». Ensuite on se demande « Qu’est-ce que l’autre lui a déclaré ? ». On peut aussi vérifier la transitivité du verbe « déclara » : peut-on envisager la construction « déclarer quelque chose » ?

9. « Il rugit ; on se cache » (vers 16).

Transformez ces deux propositions en une phrase complexe comportant une proposition subordonnée. (2 points)

La deuxième proposition indique une conséquence. Il rugit si bien qu’on se cache.
La première proposition est la cause de la seconde. Parce qu’il rugit, on se cache.
On pouvait aussi indiquer une simultanéité. Quand il rugit, on se cache.

10. « L’invisible ennemi » (vers 23).

a) De quels éléments le mot souligné est-il composé ? (1,5 point)

L’adjectif invisible est composé de trois éléments :

  • Le préfixe privatif in– (sens négatif)
  • La racine ou radical « vis » (voir)
  • Le suffixe adjectival –ible (capacité ou possibilité)

b) Donnez sa définition en vous appuyant sur la signification des éléments qui le composent. (0,5 point)

Il signifie donc « qui ne peut être vu ».

11. Réécrivez le passage suivant en remplaçant « Le malheureux Lion » par « Les malheureux Lions » : (10 points)

Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air […] ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat

« Les malheureux lions se déchirent eux-mêmes
Font résonner leur(s) queue(s) à l’entour de leurs flancs
Battent l’air […] ; et leur fureur extrême
Les fatigue, les abat »

Dictée

Le moustique et le lion
Un moustique s’approcha d’un lion et lui dit : « Je n’ai pas peur de toi, et tu n’es pas plus puissant que moi. Si tu veux, je te provoque même au combat ». Et, sonnant de la trompe, le moustique fondit sur lui, mordant le museau dépourvu de poil autour des narines. Quant au lion, il se déchirait de ses propres griffes, jusqu’à ce qu’il renonce au combat. Le moustique, ayant vaincu le lion, sonna de la trompe, entonna un chant de victoire, et prit son envol. Mais il s’empêtra dans une toile d’araignée : tandis qu’elle le dévorait, il se lamentait d’être tué par un vulgaire animal, une araignée, lui qui avait combattu les plus puissants animaux.

D’après Ésope, Fables, VIIe-VIe siècle avant J.-C.

Travail d’écriture (rédaction)

Vous traiterez à votre choix l’un des sujets suivants :

Sujet d’imagination

Le Moucheron « sonne la victoire » et « va partout l’annoncer ».

Imaginez le récit que fait le Moucheron de son combat victorieux aux autres animaux. Vous mettrez en évidence le caractère, les sentiments et les réflexions du Moucheron et vous pourrez montrer les réactions des autres animaux. Votre récit peut être rédigé à la première ou à la troisième personne du singulier.

Sujet de réflexion

La littérature et les œuvres artistiques peuvent-elles nous aider à réfléchir sur notre propre comportement ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé, en vous appuyant sur des exemples pris dans les œuvres littéraires et artistiques que vous connaissez.