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Bac 2022 : contraction de texte (Jacqueline de Romilly)

Bac de français 2022

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

A – Rabelais, Gargantua, chapitres XI à XXIV. Parcours : la bonne éducation.

Texte de Jacqueline de Romilly, Écrits sur l’enseignement, 1984.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 199 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 179 mots et au plus 219 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

Je crois que la force de tout enseignement par rapport aux « événements qui font l’histoire du monde » est d’imposer aux esprits un détour. Si l’on veut s’orienter convenablement, dans une promenade au cours de laquelle on doit retrouver son chemin, il faut prendre, en pensée, du recul. Il faut se retourner, voir d’où vient le chemin que l’on est en train de parcourir et où sont les repères, recourir à une carte, sur laquelle le paysage confus, masqué de buissons et d’arbres, d’ombres et de creux, se ramène à un tracé schématique, couvrant un horizon bien plus étendu et qui soudain rend compte du paysage. Il en va de même dans les choses de l’esprit.
Complexe, notre société ? Ô combien ! Mais dans ce cas pour l’appréhender, pour la comprendre, pour en comprendre les problèmes et les tendances, il faut précisément faire le détour et apprendre à connaître d’autres sociétés plus simples. J’ai l’air en disant cela de présenter, une fois de plus, un plaidoyer pour le grec et le latin. En un sens, c’est parfaitement vrai. Je reste convaincue que l’on comprend mieux la collectivité qu’est l’État quand on connaît la cité grecque, avec les dévouements qu’elle suscitait si largement et les crises qu’elle traversa et surmonta, que l’on comprend mieux les relations entre les pays quand on a pratiqué la relation toute simple qui s’établit au niveau de deux cités de régime politique différent et luttant pour la suprématie1, ou bien entre des cités grecques et un envahisseur barbare. Après tout, si l’on ne cesse de découvrir, dans la littérature grecque, l’« actualité » de tel passage ou de tel autre, cela n’est point dû au hasard de situations qui se répéteraient, mais au fait que des situations simples, analysées avec rigueur, fournissent divers schèmes2 d’interprétation susceptibles d’être appliqués à des situations plus complexes. Je crois aussi que, dans l’ordre des conduites humaines, les problèmes peuvent être posés avec une force accrue, lorsque se découvre, au niveau de la famille ou de la cité, le premier exemple éclatant d’un dilemme humain : la mort d’Antigone et la mort de Socrate aident à comprendre l’héroïsme et à le sentir dans sa simplicité absolue. Je plaide donc bien pour le grec et le latin. Mais pas seulement. Je plaide pour tout ce qui est lointain, différent, et pourtant humain. Je plaide pour la sociologie, je plaide pour l’histoire, je plaide pour tout ce qui n’est pas notre temps, pour tout ce qui lui ressemble et en diffère, pour tout ce qui nous donne, je le répète, du recul.
Et ce qui est vrai de la complexité du monde actuel l’est aussi pour le changement accéléré que connaît aujourd’hui notre civilisation. On dirait que le progrès scientifique et technique s’est emballé, que l’évolution sociale et les transformations morales se sont précipitées à un rythme sans précédent. Ma petite maison de Provence devait être, il y a quarante ans, une maison tenue pour confortable et moderne, voire raffinée. Or les jeunes qui y viennent croient un peu visiter une maison médiévale. Pourtant, au cours de ces quarante années, nous pensions l’avoir modernisée. Nous avions désormais l’eau sous pression, les tuyaux plastiques, les asperseurs… Les jeunes croient avec peine que cela n’existait pas, que l’on se débrouillait avec des petits canaux et des vannes, comme dans l’Antiquité ! […] Et cependant je suis la même personne, assise sur la même terrasse, et il me semble qu’il ne s’est guère écoulé de temps… […]
Seulement ces changements, dans le domaine moral du moins, peuvent avoir un aspect grave qui intéresse l’enseignement : ils peuvent en effet susciter le désarroi. Quand tout change, on ne sait plus très bien à quoi ou à qui se retenir. Parce que tout change, on condamne ce qui est venu avant. Parce que tout change, on ne croit plus ni aux valeurs d’hier, ni à celles d’avant-hier, et peut-être pas à celles de demain. Parce que tout change, on ne sait plus si ce qui était bien hier l’est encore, si ce qui était mal hier présente un risque ou un inconvénient. On flotte, on s’étourdit, parce que, dans cette grande marée du temps présent, toutes les amarres ont lâché.
Je ne vois aucun moyen d’aider les jeunes à trouver leurs valeurs ni leur voie : c’est à eux de le faire. En revanche, du point de vue intellectuel, je crois que l’enseignement peut les aider — à condition qu’ils s’attachent à l’intemporel et non à l’éphémère.

795 mots

1 Suprématie : domination.
2 Schèmes : principes, modèles.

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

 

L’enseignement présente l’intérêt de prendre du recul par rapport aux grands événements contemporains.

Cette démarche intellectuelle est comme l’aide apportée par une carte pour bien s’orienter dans une randonnée.

 

Pour saisir une société complexe, il faut d’abord s’intéresser à des sociétés plus simples.

Cette affirmation semble promouvoir le grec et le latin.

 

La cité grecque permet de mieux comprendre l’État moderne.

Dans ses crises et les services qu’il nécessite

 

La rivalité pour la suprématie entre ces cités ou avec un ennemi étranger facilite l’intelligence des relations internationales.

 
 

La littérature grecque, disséquant précisément des cas simples, permet d’analyser des affaires plus complexes.

 
 

Elle éclaire aussi la grandeur des choix éthiques familiaux ou civiques par le biais des dilemmes

comme pour Antigone ou Socrate.

 

L’important est de prendre ses distances avec l’actualité au moyen de la sociologie, l’histoire, de tout ce qui diffère dans les comportements humains.

 
 

Cette prise de distance est également profitable à l’égard des progrès scientifique et technique qui bouleversent la société et la morale.

Les jeunes d’aujourd’hui croient qu’une maison provençale modernisée il y a quarante ans n’est pas plus évoluée que les demeures du Moyen‑Âge.

 

Ces changements accélérés dans le domaine de la morale doivent intéresser l’enseignement.

 
 

En effet, ils créent le doute chez les jeunes qui remettent en cause les repères moraux traditionnels.

 
 

Il appartient cependant à la jeunesse de se construire son système de valeurs.

 
 

Dans cette recherche intellectuelle, elle peut s’appuyer sur l’enseignement à condition de ne pas s’enfermer dans les contingences.

 

Rédaction du résumé

L’enseignement présente l’intérêt de prendre du recul par rapport aux événements contemporains. Cette démarche intellectuelle est comme l’aide apportée par une carte pour bien s’orienter dans une randonnée.
Pour saisir une société complexe, il faut d’abord s’intéresser à des sociétés plus simples. La cité grecque permet de mieux comprendre l’État (50 mots) moderne. La rivalité pour la suprématie entre ces cités ou avec un ennemi étranger facilite l’intelligence des relations internationales. En outre la littérature grecque disséquant précisément des cas simples permet d’analyser des affaires plus complexes. Elle éclaire aussi la grandeur des choix éthiques familiaux ou civiques par le biais des (100 mots) dilemmes comme pour Antigone ou Socrate. Sans se limiter au grec et au latin, l’important est de prendre ses distances avec l’actualité au moyen de la sociologie, l’histoire, de tout ce qui diffère dans les comportements humains.
Ce recul est également profitable à l’égard des progrès scientifique et technique qui (150 mots) bouleversent notre société et sa morale.
Ces changements accélérés dans le domaine de la morale doivent intéresser l’enseignement. En effet, ils créent le doute chez les jeunes qui remettent en cause les repères moraux traditionnels.
Il appartient cependant à la jeunesse de se construire son système de valeurs.
Dans cette (200 mots) recherche intellectuelle, elle peut s’appuyer sur l’enseignement à condition de ne pas s’enfermer dans les contingences. (216 mots)

Voir aussi