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Bac 2021 : contraction de texte (texte de Rodolphe Christin)

Bac de français 2021

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

A – Montaigne, Essais, « Des Cannibales », I, 31. Parcours : Notre monde vient d’en trouver un autre.

Texte de Rodolphe Christin, Manuel de l’anti-tourisme, 2008.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 199 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 179 et au plus 219 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

Si les premiers voyageurs étaient souvent des explorateurs, ils furent, parfois à leur insu, les éclaireurs des mouvements qui les suivraient. Tous ne se doutaient pas que les sentiers marginaux qu’ils empruntaient, parfois porteurs d’innovation culturelle et de nouveaux horizons pour la vie comme pour la pensée, deviendraient plusieurs dizaines d’années plus tard des lieux communs, c’est-à-dire des « autoroutes » touristiques inscrites dans des schémas de développement plus ou moins réfléchis. […]
Malgré l’inventivité des voyagistes et les stratégies de différenciation élaborées par les spécialistes du marketing territorial, bien peu d’itinéraires et de destinations à potentiel marchand parviennent à échapper longtemps à une triple standardisation : standardisation des espaces d’accueil, aménagés, marqués, valorisés, sécurisés selon des principes interchangeables tels que la signalétique, l’affichage publicitaire, les formes d’urbanisation et, plus généralement, d’aménagement des territoires, par exemple. Standardisation des mentalités et des pratiques des sociétés d’accueil […] au nom de la qualité, de la compétence et de la sécurité, exigence qui introduit un rapport au travail proche de celui que connaissent les professionnels occidentaux. Le processus de spécialisation touristique tend évidemment à entraîner un changement structurel des sociétés d’accueil, lorsque la polyvalence et l’autonomie des pratiques traditionnelles cèdent la place à une division du travail accentuée (plus ou moins saisonnière) chez des acteurs socio-économiques dont les métiers deviennent exclusivement dédiés au tourisme, avec les dépendances que ces changements entraînent. Standardisation des pratiques touristiques elles-mêmes, réclamant les équipements adéquats pour une diversité croissante de pratiques, exigeant une diversité de lieux dédiés à leur accueil qui puissent convenir à toutes les bourses et proposer divers degrés de confort et de services, pour des touristes souhaitant échanger avec des professionnels formés, informés, évidemment souriants et compétents. Des professionnels obéissant aux règles du commerce et à la demande de leur clientèle.
Bien sûr, pour échapper à cela, nous nous prenons à rêver. À rêver d’une nature vierge, à des contrées « préservées », « authentiques », où nous pourrions oublier ce que nous sommes et d’où nous venons. Où nous pourrions explorer des natures et des humanités sauvées des artifices de la « civilisation ». Et nous y allons, individuellement nombreux, de plus en plus. Montagnes, déserts, Grand Nord et Grand Sud, Nouvelle-Guinée, Kalahari, Amazonie… Nous pouvons aller partout. Y aller suffisamment nombreux pour que la pression collective sur ces espaces naturels et culturels jusque-là préservés ne nuise à leur intégrité, n’en transforme les sociétés, n’en chasse les animaux, n’en pollue les sites les plus remarquables et fréquentés. […]
La plupart du temps, ce phantasme de virginité naturelle1 nous fait oublier que la nature des uns est la culture des autres. En nous répandant nombreux dans ces natures nous heurtons, parfois à l’insu de tous, les cultures qui en dépendent pour vivre. Cette ruée, même tranquille au rythme du marcheur, ne va pas sans incidences allant à l’encontre de la « sauvagerie » rêvée des lieux. Les équipements fleurissent au risque de faner les paysages, les routes quadrillent des sites qui doivent être accessibles au plus grand nombre, les passages sur les sentiers dérangent la faune et écrasent la flore, les décharges comblent les ravins. […]
Contrairement à ce qu’affirme le dicton, la nature n’a pas horreur du vide ; c’est l’homme de l’hypermodernité qui ne le supporte pas, dans le même temps qu’il ne se supporte plus lui-même. Plus il va loin s’oublier, plus il sème partout ses signes, et moins il parvient à sortir de ses propres traces. Alors les publicitaires et la communication lui soufflent le culte de la nouveauté, des « premières », des sites encore inviolés à pénétrer, là où vivent les « derniers » peuples soi-disant authentiques, fiers, farouches… Plus ils iront nombreux, plus le tapage grandira, plus le bocal se refermera. Jusqu’où ce stratagème fonctionnera-t-il ? […]
Ainsi, tous les parcours deviennent progressivement fléchés, et même le voyageur indépendant, soucieux de le rester et pour cela refusant toute organisation, ne leur échappe plus que très difficilement. Cela malgré ses tentatives acharnées, parfois désabusées et pathétiques, de sortir des réseaux balisés, des parcours obligés, des prestations de services en tout genre, des organisations envahissantes, des espaces aménagés par et pour cette idéologie pratique du développement, travaillant avec une redoutable efficacité à l’occidentalisation du monde – c’est-à-dire brisant avec plus ou moins de douceur des identités locales et des arts de vivre ensemble, au nom de l’efficacité, du progrès et de la lutte contre la « pauvreté ».
Un tel diagnostic conduit à concevoir le tourisme comme une voie de diffusion de l’identité occidentale, avec le développement et le culte de la croissance économique comme justifications idéologiques, la conversion des sociétés à l’économie de marché comme modalité pratique.

798 mots

Note

1 Phantasme de virginité naturelle : rêve d’une nature intacte.

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

 

Les premiers voyageurs ont voulu découvrir des terres nouvelles,

pour la plupart

 

mais ils ont ouvert, à leur insu, la voie au tourisme industriel moderne.

 
 

Cette activité reste aujourd’hui conditionnée par trois modèles :

malgré les efforts marketing des voyagistes

 

D’abord la normalisation de l’habitat

Sécurité, signalétique, urbanisation, aménagement du territoire

 

Ensuite celle de l’accueil des visiteurs

En termes de qualité, de compétence et de sécurité,

  

Calquée sur le standard occidental

 

Si bien que la parcellisation occidentale des tâches remplace la polyvalence et l’autonomie de l’accueil autochtone.

rendant l’économie très dépendante du tourisme.

 

Enfin celle du tourisme lui-même qui se professionnalise en se soumettant aux lois de l’offre et de la demande

Équipements pour des activités diverses,

  

des prix adaptés aux différents budgets

  

Des personnels formés

 

Pour nous libérer de cette uniformisation certains opérateurs vendent le rêve d’un ailleurs non colonisé

Montagnes, déserts, Grand Nord et Grand Sud, Nouvelle-Guinée, Kalahari, Amazonie…

 

Mais la somme des visites individuelles dénature vite les lieux et les hommes

Transformation des sociétés locales

  

Disparition d’espèces animales et végétales

  

pollution

  

Équipements touristiques

  

Infrastructures de transport

 

Parce que l’homme moderne ne sait pas s’abstraire de sa culture technicienne dominatrice.

 
 

Même le voyageur qui veut échapper à ce tourisme de masse arrive à être converti au nom de l’idéologie progressiste occidentale

qui apporte la richesse à condition qu’on se soumette au credo de l’économie de marché.

Rédaction du résumé

Les premiers voyageurs ont voulu découvrir des terres nouvelles, mais ils ont ouvert, à leur insu, la voie au tourisme industriel moderne.
Cette activité reste aujourd’hui conditionnée par trois modèles :

  • d’abord la normalisation de l’habitat par l’aménagement du territoire ;
  • ensuite celle de l’accueil des visiteurs calquée sur le (50 mots) standard occidental, au point que la parcellisation des tâches remplace la polyvalence et l’autonomie autochtones, et rend l’économie très dépendante du tourisme ;
  • enfin celle du tourisme lui-même qui se professionnalise en se soumettant aux lois de l’offre et de la demande par des équipements diversifiés, une gamme de prix (100 mots) adaptés et la formation du personnel.

Pour nous libérer de cette uniformisation certains opérateurs vendent le rêve d’un ailleurs non encore colonisé, mais la somme des visites individuelles dénature vite les lieux et les hommes : les sociétés locales se transforment, des espèces animales et végétales disparaissent par la pollution (150 mots). Des équipements touristiques, des infrastructures de transport modifient l’environnement parce que l’homme moderne ne sait pas s’abstraire de sa culture technicienne dominatrice.
Même le voyageur voulant échapper à ce tourisme de masse est repris au nom de l’idéologie progressiste occidentale qui apporte la richesse à condition qu’on se soumette au (200 mots) credo de l’économie de marché. (205 mots)

Voir aussi