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Antoine Lilti, « Lumières. Peut-on éduquer le peuple ? »

Bac de français 2021

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

C – Voltaire, L’Ingénu. Parcours : Voltaire, esprit des Lumières.

Texte d’Antoine Lilti, « Lumières. Peut-on éduquer le peuple ? », L’Histoire, no 463, septembre 2019.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 198 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre travail comptera au moins 178 mots et au plus 218 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

On peut estimer que l’unité des Lumières réside dans la conviction qu’une large diffusion du savoir permettra une amélioration collective des conditions de vie. […] C’est là que réside l’universalisme des Lumières : en théorie, chacun est capable de penser de façon autonome, et le savoir doit donc être destiné à tous, à travers l’éducation et grâce à l’imprimé. […]
Pour l’essentiel, et malgré des divergences sur la façon d’y parvenir, les écrivains des Lumières partageaient le souci de diffuser les connaissances et de s’adresser à un large public. Leur objectif n’est pas tant de convaincre le public le plus large que de lui donner les outils de la critique, c’est-à-dire de contribuer à l’émancipation1 individuelle et collective. Ce désir d’émancipation, que l’on associe à juste titre aux Lumières, passe donc par le savoir, par la connaissance : celle-ci est un préalable à toute émancipation politique future. Mais une difficulté surgit aussitôt. Si cet accès à l’autonomie est fondamentalement individuel au sens où il implique la capacité de chacun à penser librement, à discerner l’erreur de la vérité, il est aussi nécessairement collectif. C’est un point qu’Emmanuel Kant a bien mis en évidence. Après avoir défini l’Aufklärung (« les Lumières » en allemand) comme la « sortie de l’homme hors de l’état de minorité », il précise que cette émancipation intellectuelle est presque impossible pour chaque homme pris séparément, à cause de la force des préjugés. En revanche, « le public », pris comme un ensemble de lecteurs, peut s’éclairer grâce au rôle actif du petit nombre de ceux qui ont su « rejeter le joug2 » de la tradition et qui pourront, grâce à la liberté d’expression, propager autour d’eux le principe de l’indépendance et de la raison.
Autant dire que les « Lumières » ne se propagent pas spontanément. L’Aufklärung est un phénomène social, collectif, historique, qui implique que certaines personnes puissent éclairer les autres, leur montrer la voie, dissiper le prestige des fausses croyances. Ce rôle essentiel des intellectuels (les « philosophes » en France, les Aufklärer en Allemagne) est au cœur du projet émancipateur des Lumières. Mais comment s’assurer que ces philosophes réussiront à diffuser leur sens critique, c’est-à-dire les connaissances nécessaires pour juger raisonnablement ?
On pense habituellement que le problème des écrivains des Lumières est qu’ils devaient braver le pouvoir de la censure monarchique et des autorités ecclésiastiques. De fait, Diderot fut emprisonné pendant quelques mois à Vincennes en 1749 et en sortit durablement traumatisé. Rousseau passa dix ans de sa vie à fuir à travers l’Europe, après la condamnation de L’Émile et du Contrat social en 1762. Mais il était aussi possible, à condition d’être prudent, de publier des ouvrages vigoureusement hétérodoxes3 tout en jouissant d’une paisible tranquillité, comme le fit le baron d’Holbach, dont les traités d’athéisme étaient publiés anonymement et furent des succès de librairie, sans que lui-même fût jamais menacé.
Plus inquiétant que la censure était le public lui-même. Dès lors que les écrivains ont eu recours à l’imprimé ils sont entrés dans un nouvel espace de communication qu’ils étaient loin de maîtriser et qui s’est révélé bien différent du monde des salons ou de celui des manuscrits clandestins auxquels ils étaient habitués. Le XVIIIe siècle a été marqué par une hausse rapide de l’alphabétisation, du moins dans les villes, une multiplication des livres, des libelles4 et des journaux, une véritable révolution des usages et des pratiques de la lecture. Or, les écrivains des Lumières n’entretenaient pas une vision idéalisée de l’opinion publique. Certes, beaucoup d’entre eux croyaient fermement aux vertus de l’imprimerie et de la publicité (à entendre ici dans son sens du XVIIIe siècle, c’est-à-dire le fait d’être public, connu de tous). […]
En vérité, les philosophes portaient souvent un jugement plus nuancé, parfois même explicitement pessimiste, sur la formation de l’opinion publique. Si l’essor de l’imprimé leur permettait de diffuser leurs idées, il favorisait aussi l’imitation, l’enthousiasme, voire la crédulité. L’espace public qui prenait forme sous leurs yeux était bien différent de l’espace savant de la République des lettres régulé par le jugement des pairs. Comment s’assurer que les lecteurs lisent les bons livres, qu’ils ne soient pas la proie des charlatans et des démagogues ? Pourraient-ils se repérer dans le flot de livres qui s’efforçaient plus de flatter les goûts du public que de l’éclairer ? « La multitude des livres nouveaux qui ne nous apprennent rien, nous surcharge et nous dégoûte », se plaignait Voltaire dans une lettre à Diderot du 8 septembre 1776.

793 mots

Notes

1 Émancipation : libération, action de s’affranchir d’un état de dépendance.
2 Joug : ici, domination, tyrannie.
3 Hétérodoxes : qui ne se conforment pas aux idées, aux opinions traditionnellement admises.
4 Libelle : écrit court dénonçant une personne ou un groupe de personnes.

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

Les intellectuels des Lumières considèrent que l’existence de tous sera libérée par la vulgarisation des connaissances

 

malgré des divergences entre eux.

 

En effet chacun est doué d’esprit critique,

 
 

donc la connaissance doit être répandue universellement

par l’éducation et le livre.

 

L’entreprise des Lumières ne consiste pas à modifier l’opinion,

 
 

mais à fournir des moyens de discernement.

 
 

Cependant il apparaît difficile de susciter cette réflexion personnelle

en raison des préjugés traditionnels comme le remarque Kant.

 

Il faut que la minorité éclairée rejoigne les lecteurs potentiels

pour promouvoir la liberté de pensée et l’usage de la raison.

 

La diffusion des Lumières n’a donc pas été naturelle,

 
 

mais le résultat de l’action déterminée des philosophes

 
 

Ils ont dû franchir l’obstacle de la censure du pouvoir royal et de l’Église.

Diderot a été emprisonné.

  

Rousseau s’est exilé en Europe.

  

D’Holbach a réussi et échappé aux poursuites en publiant anonymement.

 

Il leur a fallu aussi s’adapter au public

bien différent des cercles d’initiés, les salons littéraires, ou des destinataires d’écrits clandestins.

 

car le Siècle des Lumières s’est distingué par les progrès de l’apprentissage de la lecture

dans les villes

 

et la multiplication des supports écrits

livres, libelles, journaux

 

Cependant les écrivains étaient partagés à l’égard du public :

 
 

Si la plupart pensaient que la diffusion publique des ouvrages était propice à leur projet,

 
 

ils doutaient du résultat.

 
 

En effet les progrès du commerce des livres favorisait aussi une littérature vaine, mercantile et trompeuse.

Ce dont se plaignait Voltaire auprès de Diderot le 8 septembre 1776.

Rédaction du résumé

Les intellectuels des Lumières considéraient que l’existence de tous serait libérée par la vulgarisation des connaissances. Chacun étant doué d’esprit critique, la connaissance devait être répandue universellement par l’éducation et le livre.
L’entreprise des Lumières n’a pas consisté à modifier l’opinion, mais à fournir des moyens de discernement.
Cependant il (50 mots) est apparu difficile de susciter cette réflexion personnelle en raison des préjugés traditionnels. La minorité éclairée devait rejoindre les lecteurs potentiels pour promouvoir la liberté de pensée et l’usage de la raison.
La diffusion des Lumières n’a donc pas été naturelle, mais le résultat de l’action déterminée des philosophes. Ils (100 mots) ont dû franchir l’obstacle de la censure du pouvoir royal et de l’Église.
Il leur a fallu aussi s’adapter à un public différent des cercles d’initiés ou des destinataires d’écrits clandestins, car le Siècle des Lumières s’est distingué par les progrès de l’apprentissage de la lecture et la multiplication des (150 mots) supports écrits.
Cependant les écrivains étaient partagés à l’égard du public : si la plupart pensaient que la diffusion des ouvrages était propice à leur projet, ils doutaient du résultat. En effet les progrès du commerce des livres favorisait aussi une littérature vaine, mercantile et trompeuse. (196 mots)

Voir aussi