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Civilisation romaine

La société romaine

Tableau de la société au début de l’empire

La société romaine présente des caractères très permanents (société conservatrice). Elle est le résultat de plusieurs siècles d’évolution. Aucun texte de loi n’est écrit, il s’agit de coutumes : la tradition est reçue des ancêtres. Plutôt que de classes sociales, on devrait parler d’ordres. Les ordres (ordo) sont fondés sur l’hérédité et sur les statuts de l’individu : on est homme libre ou esclave.

  • Patriciens et plébéiens : ce sont deux catégories qui dépendent de la naissance. Ces deux ordres ont été créés après la révolution de -510 selon Tite-Live. Les patriciens seraient des descendants des compagnons de Romulus. En réalité, les patriciens sont sans doute les acteurs de la révolution de -510. Tous les autres hommes libres sont les plébéiens (populus).
    • Au début de la République, les patriciens dominent.
    • Les règles ont été établies pour que les plébéiens soient représentés par des magistrats et pour qu’ils aient accès aux magistratures : les plébéiens peuvent, au terme d’un siècle et demi, accéder au consulat.
  • La noblesse : la nobilitas est une classe de gens connus (des notables) ; en somme, il s’agit de ceux qui exercent le pouvoir. C’est une classe formée des plébéiens qui sont entrés au sénat et qui ont exercé des magistratures. On appelle aussi cette classe ordre sénatorial. Cette noblesse devient rapidement une classe héréditaire → phénomène de castes. L’accès au consulat est de plus en plus fermé : on ferme la noblesse aux "nouveaux" (homines novi), c’est-à-dire à ceux dont aucun ancêtre n’avait exercé le consulat. Parmi ces homines novi, on trouva Cicéron, qui put accéder au consulat en raison d’une crise politique.
  • Les chevaliers : c’est une catégorie sociale fermée sous la République. On dit aussi "ordre équestre". À l’origine, la coutume veut que l’on paie son équipement ; aussi les plus riches entrèrent naturellement dans la cavalerie. En dessous des chevaliers : les fantassins. Puis, au IIIe siècle av. J.-C., on a pris l’habitude de nommer eques une catégorie de gens riches :
    • Ceux qui n’appartiennent pas à l’ordre sénatorial et dont les richesses proviennent du commerce ou de la banque
    • Ceux qui collectent les impôts. Les chevaliers se reconnaissaient par leurs vêtements et par l’anneau d’or qu’ils portaient au doigt. → Il y eut donc une tendance de la société romaine à créer des castes. Les chevaliers représentaient la deuxième classe dirigeante (à côté de la noblesse). L’existence de la classe des chevaliers est un élément d’évolution : en effet, il s’agit d’une classe définie par l’argent et non plus par la naissance. C’était aussi un facteur de promotion pour les élites provinciales à partir du Ier siècle av. J.-C.
  • Le peuple (la plèbe) : la plèbe est la grande majorité de la population. Sous la République, la plèbe est composée en majorité de paysans. De plus en plus, il existe des différences sociales à l’intérieur de la plèbe. La raison est que les paysans ont été de plus en plus mobilisés pour la guerre et les terres ont été négligées, parfois abandonnées. Lorsque les guerres étaient achevées, on donnait aux paysans des terres nouvelles situées dans les provinces conquises, et les paysans devenaient des colons. Les terres abandonnées étaient rachetées en particulier par des sénateurs. Il y eut un phénomène de concentration des terres, notamment à la faveur de ces rachats. Les latifundia sont les grands domaines. L’Italie rurale s’appauvrit, au bénéfice des provinces et des grands domaines. On constata aussi un phénomène d’exode rural.

Les modifications intervenues sous le principat

Le statut de la noblesse ne change pas, mais c’est l’empereur qui nomme les consuls.

En revanche, des changements importants pour les chevaliers : les empereurs se méfiaient de la noblesse et ont cherché à s’appuyer sur une autre classe : celle des chevaliers. À partir d’Auguste, leur rôle s’accroît :

  • entrée dans l’ordre sénatorial selon la volonté de l’empereur
  • carrières administratives et militaires spécialement créées pour les chevaliers.

Une division sociale durable entre hommes libres et esclaves

La question de l’esclavage : hommes libres et non-libres :

Dans l’Antiquité grecque et romaine, l’esclavage ne repose sur aucune loi écrite ; c’est un fait admis. Un esclave n’est ni une machine ni un animal : un homme libre mais très endetté peut être réduit à l’esclavage. Un esclave est un bien que l’on possède ; il est cependant pourvu d’un esprit. Malgré tout, les droits des esclaves sont nuls ; ils sont sous la domination du maître. Le maître a droit de vie et de mort sur son esclave, comme le père sur ses enfants. Le terme manus symbolise la domination du maître sur l’esclave, au même titre que la domination du mari sur sa femme. Il existe des usages : l’esclave fait partie de la familia, c’est-à-dire de l’entourage du maître. Les esclaves coûtent cher : il n’y avait pas d’intérêt à les maltraiter. Leur condition était variable, selon la proximité du maître. Les plus durement traités étaient ceux qui travaillaient dans les mines ; les favorisés étaient ceux qui travaillaient dans les domaines agricoles et les mieux traités étaient les esclaves de la maison. Ceux qui parlaient grec pouvaient être le pédagogue (précepteur) des enfants.

Il existe plusieurs catégories d’hommes libres. Tout d’abord, les citoyens romains qui jouissaient de tous les droits politiques. Il a fallu attendre quatre siècles pour que tous les hommes libres deviennent citoyens romains. En 212 après J.-C., la citoyenneté est accordée à tous les hommes libres de l’empire. Il existe ensuite une catégorie transitoire entre les hommes libres et les esclaves :

  • Les affranchis (liberti) : un affranchi est un esclave qui a été affranchi par son maître. Il devient un homme presque libre : il n’a pas tous les droits de l’homme libre. Les enfants seront des hommes libres à part entière. L’esclavage est donc tempéré par l’affranchissement : celui-ci est une étape intermédiaire entre l’esclavage et la liberté (libertus).

Comment devient-on affranchi ?

  • Par le testament du maître ;
  • En raison de services exceptionnels rendus au maître par l’esclave. L’affranchi et ses descendants, jusqu’à leur mort, se sentent les obligés du maître, dépendants. On dit que l’affranchi représente la clientèle du maître. L’esclave affranchi prend un nouveau nom. Il existe trois noms : le nom, le prénom et le cognomen (surnom). L’esclave affranchi prend les nom et prénom du maître. Le cognomen est son nom d’esclave. Il existe un avantage financier pour le maître : les sénateurs ne peuvent faire du commerce, alors ils utilisent un affranchi qui va leur servir de prête-nom pour exercer des activités financières. Beaucoup d’affranchis avaient donc des activités commerciales. Pour affranchir un esclave, un simple texte pouvait suffire ou la présence d’un magistrat (témoin). Il existait un rituel religieux : un geste symbolique du maître affranchissait l’esclave. Au cours de l’empire, l’affranchissement n’a cessé de croître.

Concernant ses droits, l’affranchi n’a pas tous les droits de l’homme libre. Cependant, il a le droit de vote, sans avoir le droit d’être élu. Il n’a pas le droit d’entrer dans l’armée. Il a le droit de participer à certains cultes de la cité.

Concernant ses devoirs, l’affranchi reste à la disposition de l’ancien maître et n’a pas le droit de l’attaquer en justice. L’affranchi garde des liens de loyauté avec le maître. L’affranchi est considéré comme un être à part dans la société romaine. Le développement des activités financières fait qu’il est souvent apparenté à un "nouveau riche". Quant à l’esclave, sa condition évolue sous l’empire : il devient très mal vu de tuer un esclave. D’ailleurs, à la fin du IIe siècle, la loi évolue et restreint le droit de vie et de mort. → L’esclavage diminue en nombre, surtout dans les villes (alors que dans les campagnes beaucoup travaillent en tant que main-d’œuvre, dans les mines notamment).

La famille et la clientèle

Le père (pater familias) : société patriarcale. Le droit du père est très étendu, il n’est pas très différent de ceux du maître : droit de vie et de mort sur la femme et les enfants, ainsi que sur les petits-enfants. Le père est plus puissant à Rome qu’en Grèce. Le droit du père s’étend sur les enfants même lorsqu’ils sont mariés. La décision de mort est cependant prise par un conseil de famille, auquel appartient la femme.

La place de la femme romaine : elle est surtout reconnue après le mariage. Elle a un rôle plus important que la femme grecque : elle a un rôle éducatif (mais pas un rôle d’instruction). La femme est surtout reconnue si elle est vertueuse. Elle doit porter un voile, mais il ne couvre pas l’intégralité du visage. Souvent, elle est mariée sans son consentement.

Le mariage : l’institution du mariage est beaucoup moins rigide que dans les sociétés modernes occidentales. Plusieurs modes de mariage se sont superposés au fil du temps :

  • Un seul mode de mariage religieux (valable seulement pour les patriciens)
  • Les autres modes sont laïques. Sous la République, le mariage à l’usage était assez répandu : il n’y avait pas d’acte officiel. C’était un mariage entériné par la seule cohabitation d’un homme et d’une femme pendant un an. La dissolution du mariage était facile. Après le mariage, le mari dominait sur un plan juridique. L’épouse était sous la domination du mari (manus). Le divorce était extrêmement rare mais il était possible. Le femme n’avait pas de liberté économique. Pour divorcer, elle devait disposer d’une fortune (d’origine familiale). Il était impensable qu’elle travaille.
  • Au Ier siècle avant J.-C., un autre mode de mariage s’est développé : le mariage sans domination (sine manu). Ce type de mariage était fixé par une déclaration : celle de vouloir vivre ensemble. Des mesures juridiques et financières réglementaient la liberté aux époux. La femme devait apporter une dot (des biens et de l’argent). En cas de divorce, la femme conservait sa dot. Pendant le mariage, elle l’administrait elle-même. Les droits de l’épouse étaient limités à l’égard du mari : pas de procès, un héritage très limité (malgré des améliorations sous l’empire). Le mariage étant fondé sur un consensus, le divorce était facile. Il reposait sur une simple formule dite par l’un des époux. L’épouse pouvait signifier le divorce à son mari. Le mariage pouvait être dissous par l’adultère, malgré une inégalité : l’adultère féminin était jugé très sévèrement contrairement à l’adultère masculin. L’adultère était confié aux tribunaux ; la peine la plus fréquente était la privation des biens et / ou l’exil. Mais la législation n’était pas toujours appliquée.
  • Le cas de le femme devenue seule (veuvage / divorce) : elle pouvait rester seule, mais il lui fallait un tuteur pour administrer ses biens. En réalité, la femme choisissait elle-même son tuteur, qui vérifiait seulement la validité de ses actes.
  • Le mariage et l’amour : c’est un point rarement abordé, sauf avant le mariage et au moment de la mort. La cérémonie du mariage, cependant, est bien vécue comme une fête. Des chants ont d’ailleurs lieu durant la fête : l’épithalame. Durant le mariage lui-même, il est question de caritas (affection) → l’amour est surtout vécu hors du mariage. On note une évolution considérable sous l’empire, sous l’influence certaine de doctrines philosophiques.
  • La femme romaine n’est reconnue que dans le mariage ; elle est mieux reconnue que la femme grecque grâce, notamment, au rôle qu’elle a dans l’éducation des enfants. Pourtant, on ne peut pas parler d’émancipation de la femme. Elle jouit d’un rôle politique grandissant à partir du IIIe siècle.

La clientèle : c’est une originalité de la société romaine. La clientèle est une sorte d’extension de la famille qui consiste à établir des liens entre des hommes de condition (sociale) différente. Le « patron » occupe la position dominante et le « client » occupe la position inférieure. → Il s’agit d’un moyen spontané d’assurer une certaine cohésion sociale, et d’un lien héréditaire. Dans cette relation, il y a un échange de services :

  • Le patron aide financièrement son client ; cette aide est symbolisée par la « salutation » : les clients rendent visite au patron chaque matin et reçoivent la sportule (sportula). Le patron défend aussi son client sur un plan juridique.
  • Le client, quant à lui, vote pour son patron, donne de l’argent pour offrir un cadeau ou pour la dot de la fille du patron. La relation patron / client est capitale pour comprendre la société romaine. La clientèle, enfin, ne résulte d’aucune loi écrite : il s’agit d’une coutume.

Les autres solidarités

L’individu n’est jamais isolé ; on peut même dire que la notion d’individu n’existe pas.

Les « collèges » sont des groupes qui existent en ville : il s’agit d’associations qui regroupent des gens exerçant la même profession ou ayant les mêmes croyances. On trouvait aussi des associations d’entraide. Enfin, les collèges payaient les funérailles des membres du collège.

« Le principat La religion romaine »