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Bac technologique 2023 : contraction de texte (Isabelle Gras)

Bac de français 2023

Baccalauréat technologique

Corrigé de la contraction de texte

C – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Parcours : écrire et combattre pour l’égalité.

Texte d’Isabelle Gras, « Et pourtant, elles créent ! », L’Éléphant, no 17, janvier 2017.

Contraction de texte

Vous résumerez ce texte en 193 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 174 mots et au plus 212 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

« Comment les femmes auraient-elles jamais eu du génie alors que toute possibilité d’accomplir une œuvre géniale – ou même une œuvre tout court – leur était refusée ? », s’interroge Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe. Comprendre pourquoi la création intellectuelle et artistique a si longtemps constitué un plafond de verre1 pour les femmes implique de s’attarder sur les fondements de la société patriarcale. Le patriarcat, qui repose sur la puissance de l’autorité paternelle, instaure une différenciation des rôles masculins et féminins très marquée, comme l’a analysé l’anthropologue Françoise Héritier. Conformément à cette division sexuelle, les hommes investissent les sphères sociales et politiques alors que la sphère privée et le foyer familial relèvent des femmes. Dès lors, la création de l’esprit devient un attribut exclusivement masculin, symbole de transcendance2. La femme étant considérée uniquement à l’aune3 de sa fonction reproductrice, elle n’a pas à se préoccuper de la fécondité de l’esprit.
Cette répartition sexuée des créations intellectuelles et charnelles participe ainsi à la pérennisation4 du système patriarcal. Il faut cependant noter qu’en France, sous l’Ancien Régime, la question de la création féminine se pose avant tout sous l’angle de l’appartenance à l’ordre social. Ainsi, une créatrice issue de l’aristocratie est socialement tolérée si elle se cantonne à l’amateurisme et ne prétend pas égaler le génie masculin. Les « femmes savantes » suscitent des sentiments ambivalents, comme Molière l’a montré de manière magistrale.
C’est à partir du XIXe siècle qu’on assiste à un durcissement de la représentation de genre qui consacre l’idée d’une absence de génie féminin. Face au poids des valeurs misogynes, « tout génie qui naît femme est perdu pour l’humanité », selon les mots de Stendhal. La création féminine est jugée aussi inutile que dangereuse, théorie appuyée par des travaux médicaux visant à démontrer l’infériorité congénitale5 des femmes. Conformément aux stéréotypes sexués, seuls les hommes ont des prédispositions naturelles à être des génies, les femmes sont quant à elles cantonnées au rôle de muse, objet passif de la création. Pour une femme, écrire et participer à l’aventure de la pensée ont longtemps constitué un acte de subversion6.
En analysant l’évolution de la figure de l’artiste dans La Poétique du mâle, Michelle Coquillat, professeure de littérature, montre comment la création littéraire a ainsi été le terrain d’exercice privilégié de la domination masculine. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’acte de création fait référence à la création divine : l’homme a un pouvoir démiurgique7 de création ex nihilo8. […]
Être publiée est un acte délicat pour une femme car, en rendant ses textes visibles, elle transgresse l’exigence d’humilité que lui impose la société. À l’instar de Marie d’Agoult, qui publie sous le nom de Daniel Stern, combien de femmes préféreront franchir ce pas en choisissant un pseudonyme masculin ou l’anonymat ? Au-delà des contraintes imposées, quelques-unes sont parvenues à s’affirmer comme créatrices, à l’instar des artistes peintres Rosa Bonheur ou Berthe Morisot. Et même si, aux funérailles de George Sand, Hugo déclare : « Je pleure une morte et je salue une immortelle », le mythe de l’infériorité féminine reste solidement ancré dans la société du XIXe siècle. Les frères Goncourt estiment d’ailleurs qu’« il n’y a pas de femmes de génie : lorsqu’elles sont des génies, elles sont des hommes ». Investir le territoire de la création ne peut donc se faire qu’en renonçant à une supposée nature féminine car les critères de légitimation restent masculins. Pour contrer cette hostilité, Anna de Noailles fonde en 1904 le prix littéraire Femina, dont le jury réunit des femmes de lettres.
Comme Rimbaud l’annonçait de manière prophétique : « Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, […] elle sera poète, elle aussi ! » Au XXe siècle, l’étau du code civil se desserre et va permettre aux femmes de s’émanciper sur le plan juridique, politique, économique et social. Simone de Beauvoir encourage les femmes à conquérir leur autonomie et à bousculer l’ordre symbolique. C’est à cette condition qu’elles pourront s’affirmer en tant que créatrices. Colette, Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar et Nathalie Sarraute se distinguent parmi les auteurs de la Pléiade du XXe siècle. Les femmes accèdent enfin à la reconnaissance de leur création. En 1981, lors de son discours de réception, Yourcenar, première femme à entrer à l’Académie française, tient à rendre hommage à la « troupe invisible de femmes » qui auraient dû recevoir cet honneur avant elle.

772 mots

Notes

1 Plafond de verre : limite ou obstacle invisible qui empêche d’aller au-delà d’un certain niveau.
2 Transcendance : ce qui relève de l’esprit, du spirituel, par opposition au corps, à la matière.
3 À l’aune de : en fonction de.
4 Pérennisation : maintien.
5 Congénitale : biologique, de naissance.
6 Subversion : révolte, renversement de l’ordre établi.
7 Démiurgique : divin.
8 Ex nihilo : à partir de rien.

Proposition de corrigé (rédigée par Jean-Luc)

Analyse préalable selon la méthode du tableau à trois colonnes

Idées Générales

Idées Principales

Idées Secondaires

La lente et difficile reconnaissance du génie créatif féminin

 

 

   

Simone de Beauvoir affirme qu’on a empêché les femmes de produire des œuvres d’art.

 

Pendant longtemps, les femmes n’ont pu produire des œuvres artistiques à cause du patriarcat.

comme l’a analysé l’anthropologue Françoise Héritier

 

Le patriarcat, fondé sur l’autorité paternelle, a imposé une différenciation sexuée des rôles sociaux :

Aux hommes, la société et la politique

   

aux femmes, le confinement au foyer.

 

L’activité intellectuelle est réservée aux hommes ; la femme, simple matrice, est réduite à son corps.

 
   

Ce partage sexué entre corps et esprit a maintenu le patriarcat.

 

Cependant, sous l’Ancien Régime, les œuvres féminines étaient admises pour les femmes aristocrates

tant qu’elles étaient un passe-temps et ne concurrençaient pas l’hégémonie masculine

   

Molière l’a dénoncé dans Les Femmes savantes.

 

Au XIXe siècle, la société nie les talents féminins.

comme l’écrit Stendhal

 

Leurs productions sont même jugées transgressives

selon des théories scientifiques alléguant l’infériorité atavique féminine.

 

Le génie créatif est masculin.

 
 

La femme doit rester une inspiratrice passive.

 
 

La création littéraire est ainsi restée un apanage masculin. jusqu’à la fin du XVIIIe siècle,

Michelle Coquillat, professeure de littérature, a démontré que

   

L’homme s’y apparente à Dieu

 

Publier ses écrits est alors pour une femme défier l’ordre social.

Certaines, comme Marie d’Agoult, recourent à un pseudonyme ou à l’anonymat.

 

Si quelques-unes se sont affirmées malgré les obstacles

comme George Sand, ou les peintres Rosa Bonheur ou Berthe Morisot.

 

elles restent mésestimées.

C’est pourquoi Anna de Noailles crée en 1904 le prix Femina, dont le jury est purement féminin.

   

Rimbaud a prophétisé la libération de la femme.

 

Au XXe siècle, l’évolution du code civil assure l’émancipation féminine.

sur le plan juridique, politique, économique et social

 

Sous l’impulsion de Simone de Beauvoir, les femmes artistes revendiquent leur autonomie créatrice.

Colette, Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar et Nathalie Sarraute sont reconnues.

   

En 1981, Yourcenar, est la première femme à entrer à l’Académie française.

Rédaction du résumé

Pendant longtemps, les femmes n’ont pu produire des œuvres artistiques à cause du patriarcat qui, fondé sur l’autorité paternelle, a imposé une différenciation sexuée des rôles sociaux : Aux hommes, la société et la politique ; aux femmes, le confinement au foyer. L’activité intellectuelle est réservée aux hommes ; la (50 mots) femme, simple matrice, est réduite à son corps.
Cette affectation sexuée des créations intellectuelles et charnelles a conforté le système patriarcal. Cependant, sous l’Ancien Régime, les œuvres féminines étaient admises pour les femmes aristocrates, tant qu’elles étaient un passe-temps et ne concurrençaient pas l’hégémonie masculine.
Au XIXe siècle, la société (100 mots) nie les talents féminins. Leurs productions sont même jugées transgressives selon des théories scientifiques alléguant l’infériorité atavique féminine. Le génie créatif est masculin. La femme doit rester une inspiratrice passive.
La création littéraire est ainsi restée un apanage masculin. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, publier ses écrits est pour (150 mots) une femme défier l’ordre social. Si quelques-unes s’affirment malgré les obstacles, elles restent mésestimées.
Au XXe siècle, l’évolution du code civil assure l’émancipation féminine. Sous l’impulsion de Simone de Beauvoir, les femmes artistes revendiquent leur autonomie créatrice, si bien que plusieurs d’entre elles, comme Colette, Duras, Yourcenar et Sarraute, sont reconnues. (201 mots)

Voir aussi