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Bac français 2019 (Polynésie, sujet des séries S et ES)

Sujet du bac de français 2019

Polynésie, séries S et ES

Objet d’étude : écriture poétique et quête du sens, du Moyen-âge à nos jours

Corpus :

  • Texte A : Jean de La Fontaine, « Le Chêne et le Roseau », Fables, livre I, 1668.
  • Texte B : Marceline Desbordes-Valmore, « L’Arbrisseau », Poésies, 1830.
  • Texte C : Albert Mérat, « Les petits arbres », Les Souvenirs, 1872.
  • Texte D : Jacques Prévert, « Arbres », Histoires, 1948.

Jean de La Fontaine, « Le Chêne et le Roseau », Fables, livre I, 1668

Le Chêne et le Roseau

La Fontaine Le Chêne un jour dit au Roseau :
Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet1 pour vous est un pesant fardeau.
   Le moindre vent qui d’aventure
   Fait rider la face de l’eau,
   Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase2 pareil,
Non content d’arrêter les rayons du Soleil,
   Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon3, tout me semble Zéphir4.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
   Dont je couvre le voisinage,
   Vous n’auriez pas tant à souffrir :
   Je vous défendrais de l’orage ;
   Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
— Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
   Contre leurs coups épouvantables
   Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots
Du bout de l’horizon accourt avec furie
   Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusques-là dans ses flancs.
   L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
   Le vent redouble ses efforts,
   Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts.

Notes

1 Roitelet : petit oiseau.
2 Caucase : chaine de montagne célèbre pour son attitude élevée.
3 Aquilon : vent violent du nord.
4 Zéphir : vent d’ouest, doux et agréable.

Marceline Desbordes-Valmore, « L’Arbrisseau », Poésies, 1830

L’Arbrisseau

[…]
  J’ai vu languir1, au fond de la vallée,
  Un arbrisseau qu’oubliait le bonheur ;
L’aurore se levait sans éclairer sa fleur,
Et pour lui la nature était sombre et voilée.
Ses printemps ignorés s’écoulaient dans la nuit ;
  L’amour jamais d’une fraîche guirlande
  À ses rameaux2 n’avait laissé l’offrande :
    Il fait froid aux lieux qu’Amour fuit.
L’ombre humide éteignait sa force languissante ;
Son front pour s’élever faisait un vain effort ;
Un éternel hiver, une eau triste et dormante
Jusque dans sa racine allaient porter la mort.

« Hélas ! faut-il mourir sans connaître la vie !
Sans avoir vu des cieux briller les doux flambeaux !
Je n’atteindrai jamais de ces arbres si beaux
  La couronne verte et fleurie !
Ils dominent au loin sur les champs d’alentour :
On dit que le soleil dore leur beau feuillage ;
Et moi, sous leur impénétrable ombrage,
  Je devine à peine le jour !
Vallon où je me meurs, votre triste influence
A préparé ma chute auprès de ma naissance.
  Bientôt, hélas ! je ne dois plus gémir !
  Déjà ma feuille a cessé de frémir…
  Je meurs, je meurs. » Ce douloureux murmure
Toucha le dieu protecteur du vallon.
C’était le temps où le noir Aquilon
Laisse, en fuyant, respirer la nature.
  « Non, dit le dieu : qu’un souffle de chaleur
  Pénètre au sein de ta tige glacée.
  Ta vie heureuse est enfin commencée ;
  Relève-toi, j’ai ranimé ta fleur.
  Je te consacre aux nymphes des bocages3;
  À mes lauriers tes rameaux vont s’unir,
Et j’irai quelque jour sous leurs jeunes ombrages
  Chercher un souvenir. »

L’arbrisseau, faible encor, tressaillit d’espérance ;
Dans le pressentiment il goûta l’existence ;
Comme l’aveugle-né4, saisi d’un doux transport5,
Voit fuir sa longue nuit, image de la mort<
Quand une main divine entr’ouvre sa paupière,
Et conduit à son âme un rayon de lumière :
L’air qu’il respire alors est un bienfait nouveau ;
  Il est plus pur, il vient d’un ciel si beau !

Notes

1 Languir : s’affaiblir.
2 Rameaux : petites branches.
3 Bocages : paysages constitués de prés et de bois.
4 Aveugle-né : référence à la guérison miraculeuse d’un aveugle de naissance par Jésus (Évangile de Jean).
5 Transport : émotion.

Albert Mérat, « Les petits arbres », Les Souvenirs, 1872

Les petits arbres

Malingres1, laids, tendant de longs bras d’araignées,
Le corps cerclé de linge et les pieds dans du fer,
À deux pas des maisons, sans espace, sans air,
Les petits arbres vont en bandes alignées.

Ils sont libres de croître aux places assignées2 ;
On les garde de la chaleur et de l’hiver.
Ils ont sur eux le ciel des villes, jamais clair,
Toujours morne, et qui sied aux poses résignées.

L’été, quand l’air profond s’exhale dans la nuit,
Peut-être que de loin, des bois natals, un bruit,
Une voix leur parvient qui leur parle sans haine :

« Qu’êtes-vous devenus, ô nos frères bannis,
Platane au tronc d’argent, orme rude, et toi, chêne4,
Abrités mais captifs, tranquilles mais sans nids ? »

Notes

1 Malingres : en mauvaise santé.
2 Assignées : attribuées.
3 Sied : convient.
4 Platane, orme, chêne : arbres plantés.

Jacques Prévert, « Arbres », Histoires, 1948

Arbres

En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles
c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique
mais la langue verte des arbres est un argot1 bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains

Les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant

Quand un enfant de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant l’entend
Plus tard l’enfant
parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents
Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus leur chanson dans le vent

Pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d’herbe morne et de terre souillée
Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbres de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai
Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la peur de me perdre
et la crainte de me retrouver

N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt.

Note

1 Argot : langage populaire, appelé aussi la langue verte.

Vous répondrez à la question suivante (4 points) :

Avec quelles intentions les poètes du corpus personnifient-ils les arbres qu’ils évoquent ?

Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants (16 points) :

Commentaire

Vous commenterez le poème de Marceline Desbordes-Valmore (texte B).

Dissertation

Pourquoi la nature vous semble-t-elle une source d’inspiration privilégiée de la poésie ?
Vous appuierez votre réflexion sur les textes du corpus, sur les œuvres que vous avez étudiées en classe et sur vos lectures personnelles.

Écriture d’invention

Une maison d’édition décide de publier une anthologie poétique sur les arbres et la nature destinée à un jeune public. Elle vous demande de rédiger la préface de cet ouvrage, en insistant sur le lien qui unit l’homme à la nature et sur ce que les arbres et les forêts ont de poétique.
Votre texte comportera au moins soixante lignes.

Rédiger une préface »

Voir aussi