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Rhétorique

Lexique de la rhétorique

Vocabulaire de la rhétorique

Les types de discours

Discours délibératif

« Le genre délibératif est l’un des trois grands genres de l’éloquence. Il est défini par une matière du discours : le caractère opportun ou inopportun d’une décision à prendre, de la part de particuliers ou de corps constitués, touchant aussi bien les positions idéologiques, que la morale et ses enjeux les plus concrets dans l’action. Le genre délibératif envisage aussi ce qu’on appellerait aujourd’hui les conditions de faisabilité de l’éventuelle entreprise en y incluant la considération des mœurs des personnes concernées. »a

Le discours délibératif, qu’on qualifie aussi de discours politique, s’adresse à l’assemblée, au sénat. On y conseille ou déconseille sur toutes les questions portant sur la vie de la cité ou de l’État : la diplomatie, l’économie, la budgétisation, la législation, etc. Ce type de discours a donc pour finalité les décisions à prendre et on y discute de leur côté utile ou nuisible. Il faut y utiliser une argumentation par l’exemple.

Discours démonstratif

« Le genre démonstratif est l’un des trois grands genres de l’éloquence. Il se définit par la matière du discours : le bien ou le mal. Traditionnellement, le discours porte sur une personne : il devient donc blâme ou éloge, par rapport à l’utilité et à l’honnêteté, selon la considération de ladite personne et de ce qui a trait à elle, même après sa mort. Mais il n’y a pas de raison de limiter ce genre à un objet personnel. Le fait est qu’on loue des hommes (des dieux), parfois même, peut-être par plaisanterie, des animaux, des institutions ou des États, voire des objets inanimés. »a

Ce genre de discours a pour dénomination grecque discours épidictique. L’auditoire est représenté par des spectateurs. Ce type de discours regroupe tous les discours d’apparat, les panégyriques (sens 1 : « Discours d’apparat prononcé devant le peuple lors des grandes fêtes religieuses, exaltant la gloire nationale et vantant les avantages de telle ou telle entreprise ou voie politique. » — Source : TFLi), les oraisons funèbres, etc. On y blâme ou y loue un homme – ou une catégorie d’hommes – en mettant en avant le côté noble ou vil de son existence, de son action. L’amplification est souvent employée dans ce type de discours. Le discours démonstratif ne dicte pas un choix, mais oriente les choix futurs. Enfin, il peut être employé à des fins pédagogiques.

Discours judiciaire

« Le genre judiciaire est l’un des trois grands genres de l’éloquence. Il se définit par la matière du discours : il s’agit toujours de discuter sur le vrai ou le faux, contradictoirement. Le judiciaire correspond donc à plusieurs états de la cause. »a

Dans ce genre de discours, l’auditoire est généralement un tribunal. On vise ici à accuser (par un réquisitoire) ou à défendre (par une plaidoirie). Le discours porte sur des faits qui se sont passés. il s’agit de les établir, de les qualifier et de les juger. On fait donc appel aux notions de justice et d’injustice, et on utilise le raisonnement syllogistique et l’enthymème. L’organisation du discours est soumise à des lois : on s’adresse à un auditoire spécialisé.

L’invention

« L’invention est la première des cinq grandes parties de la rhétorique. Fondamentalement, c’est le choix de la matière à traiter dans le discours. Il s’agit toujours d’un mixte : d’une part, ce qui est directement commandé par le sujet de la cause (notamment dans le genre judiciaire), et qui concerne précisément les choses dont on va parler ; d’autre part, l’ensemble des procédures logico-discursives qui moulent le développement du discours : c’est-à-dire les lieux les plus propres à orienter le mouvement argumentatif (ce qui inclut donc, dans le judiciaire, les preuves). L’invention n’est ainsi pas complètement à l’écart de la recherche des mots, même si celle-ci relève plus pleinement de l’élocution. La qualité majeure de l’invention est évidemment le jugement. »a

L’invention (ou inventio ou heurésis) est la recherche la plus exhaustive possible, par un orateur, de tous les moyens de persuasion relatifs au thème de son discours. Ces moyens sont : les sujets, les preuves et les arguments, les lieux, les techniques de persuasion, les techniques d’amplification, la logique.

La disposition

« La disposition est une des grandes parties de la rhétorique. Elle consiste en l’organisation du discours, c’est-à-dire savoir en quel lieu on doit dire ce qu’on a à dire ; c’est aussi l’arrangement de tout ce qui entre dans le discours, selon l’ordre le plus parfait ; ou encore une utile distribution des choses ou des parties, assignant à chacune la place et le rang qu’elle doit avoir. La disposition embrasse la division et s’appuie sur des propositions.
Il importe de noter que la disposition ne se réduit pas à l’observation de la suite des cinq grandes parties du discours (spécialement judiciaire) : exorde, narration, confirmation, réfutation, péroraison. Elle gouverne l’ordre des différentes propositions, des thèmes traités, des indications anecdotiques narrées, des arguments déployés, du recours à tel ou tel lieu, même lors de l’action sur les sentiments de l’auditoire, notamment dans l’exorde et dans la péroraion, et enfin pour l’insertion de l’éventuelle digression. Il faut donc admettre que l’ordre est variable selon la cause, et qu’il est toujours nécessaire d’adapter le progrès de son discours en fonction de la situation concrète, ne serait-ce, par exemple, que pour le choix de mettre d’abord ou ensuite ses arguments les plus forts ou les plus faibles. Quintilien conseillait, à titre pratique, sa méthode personnelle, en tant que praticien et non en tant que théoricien : se mettre par esprit à la place de l’adversaire pour mieux juger de la stratégie des présentations. »a

La disposition (ou dispositio ou taxis) est la mise en ordre des moyens de persuasion, l’agencement et la répartition des arguments, dont résultera l’organisation interne, la composition générale et le plan du discours. Celui-ci est organisé selon les lois de la logique, de la psychologie et de la sociologie. L’organisation du discours, ainsi que la manière de le construire et de mettre en évidence certains points, sont dilués aujourd’hui dans les techniques de composition et de dissertation. Traditionnellement, la disposition se décompose en quatre parties : l’exorde, la narration, la confirmation, la péroraison.

L’action

« L’action est une des cinq parties de la rhétorique. Elle n’est pas sans rappeler ce qu’on désignerait aujourd’hui sous le nom d’interprétation ou, en linguistique, de performance, encore que ce dernier concept ne soit pas exactement du même ordre. En tout cas, l’action peut soutenir un discours ordinaire et le rendre intéressant ou même fort, comme elle peut déclasser dans le banal ou l’inefficace un discours habile ou même puissant. L’action rapproche l’art oratoire de celui du comédien ; elle est le signe de l’individualité et de la singularité ; elle représente la composante sociale la plus forte de l’éloquence, la situant délibérément dans la vie.
Traditionnellement, l’action a deux aspects : la prononciation et le geste. il semble bien que le premier soit le plus important : il s’agit de la voix. […] »a

L’action (ou pronuntiatio ou hypocrisis) est le parachèvement du travail rhétorique, l’énonciation effective du discours, la mise en œuvre des autres parties, où l’on emploie : les effets de voix, les mimiques, le regard, les techniques gestuelles. Ici, l’orateur devient acteur et doit savoir émouvoir par le geste et par les expressions du visage.

La mémoire

« La mémoire est souvent considérée comme une des cinq parties de la rhétorique. Elle est en effet indispensable à l’interprétation du discours. Quintilien va même jusqu’à dire qu’un orateur qui serait entièrement dépourvu de mémoire devrait abandonner le métier. Il faut dire que le discours doit être prononcé par cœur, quitte à donner l’impression qu’on improvise […]. »a

La mémorisation du discours (memoria ou mémoire) peut être intégrée à l’action : mieux on possède son discours, plus on est capable de l’adapter aux objections et d’improviser.

L’élocution

« Le sens fondamental d’élocution est de désigner l’une des cinq grandes parties de la rhétorique. C’est celle qui préside à la fois à la sélection et à l’arrangement des mots dans le discours. La qualité essentielle de l’élocution est la clarté ; c’est l’élocution qui doit recevoir les ornements du discours. Elle est également le support de l’emphase et le lieu de manifestation des sentences. Enfin, l’élocution accepte naturellement les figures. »a

L’élocution (ou elocutio ou lexis) est la rédaction du discours, le point où la rhétorique rencontre la littérature. Le discours y est organisé dans le détail. Elle porte sur le style de la rédaction : elle fait appel aux figures, au choix et à la disposition des mots dans la phrase, aux effets de rythme, au niveau de langage.

L’exorde

« Un exorde est l’une des parties obligatoires du discours : c’est la première. C’est dans le genre judiciaire qu’on en voit le plus purement les enjeux. Il a pour but de rendre les juges bien intentionnés, attentifs et dociles, à l’égard de l’orateur. »a

La fonction de l’exorde est essentiellement phatique : l’exorde comprend un exposé bref et clair de la question que l’on va traiter ou de la thèse que l’on va prouver. L’orateur pourra faire précéder l’exorde d’une présentation de soi. C’est la phase d’ouverture du discours.

La narration

« La narration est l’une des parties obligées du discours, notamment dans le genre judiciaire. Elle fait l’objet de nombreuses prescriptions dans les traités, aussi diverses qu’en sont les pratiques concrètes. On propose parfois qu’il n’y en ait pas : c’est possible pour les causes très simples, où l’on peut se contenter d’une proposition ; c’est d’ailleurs une vraie question pour les cas où les juges sont déjà au courant : alors, on a toujours intérêt à en faire une malgré tout, ne serait-ce que relativement courte, et fortement sélective par rapport à son propre intérêt. […] Elle est communément mise après l’exorde ; mais il peut arriver que, pour des raisons de stratégie de variété et de division dans la disposition, on la place plus loin. »a

La narration est l’exposé des faits concernant le sujet à traiter. Cet exposé doit paraître objectif : le logos y prend le pas sur la pathos et l’ethos. La narration nécessite la clarté, la brièveté, et la crédibilité.

La confirmation

« La confirmation désigne deux attitudes oratoires. Soit il s’agit de l’opposé de la réfutation : on défend alors sa position parce que l’on est l’accusateur, dans le genre judiciaire, ou parce qu’on établit le premier un avis, dans le genre délibératif. La confirmation est alors souvent d’une allure affirmative, et il arrive que certains lieux soient plus propres à la confirmation qu’à la réfutation, même si en général ce sont les mêmes qui peuvent faire l’objet du jeu affirmation-négation.
D’autre part, la confirmation désigne aussi l’amplification de ses arguments, dans n’importe quelle orientation que ce soit, et dans n’importe quel genre. C’est alors l’ensemble des procédés de soutien de son propos qui est ainsi visé. »a

La confirmation regroupe l’ensemble des preuves et est suivie d’une réfutation qui détruit les arguments adverses. On y utilise l’exemple, l’enthymème, l’amplification. L’amplification est l’art de trouver les meilleurs arguments et de les exposer selon une gradation en intensité.

La réfutation

« La réfutation correspond à une tâche oratoire essentielle : ou il s’agit de défendre, et tout le discours consiste en une réfutation de celui de l’accusation ; ou il s’agit de répondre aux objections mutuelles, comme dans l’altercation. On peut aussi la considérer comme une partie du discours. »a

La péroraison

« La péroraison est l’une des cinq parties canoniques du discours : c’en est le couronnement. C’est dire l’importance de ce moment ultime, qui est le dernier feu de l’orateur, et doit de ce fait produire l’impression décisive pour emporter la conviction des auditeurs. »a

La péroraison met fin au discours. Elle peut être longue et se diviser en parties : l’amplification où l’on insiste sur la gravité, la passion pour susciter passion ou indignation, la récapitulation où l’on résume l’argumentation. Pour Cicéron, dans De inventione, la péroraison peut être un résumé (enumeratio), un mystère (enigmatio) ou un appel à la pitié (conquestio).


a Source : page réalisée à l’aide du Dictionnaire de rhétorique de G. Molinié (Le Livre de Poche).
Voir aussi