Subjonctif passé composé dans la subordonnée
Il aurait mieux valu appeler ce temps le « subjonctif passé indéfini ».
Les exemples ci-dessous montrent que la proposition rectrice peut être au présent de l’indicatif, au futur simple, au futur antérieur, au subjonctif présent, à l’impératif, et le verbe de la proposition subordonnée être au subjonctif passé composé :
« La science que j’ai acquise des présages et de la volonté des dieux me fait connaître qu’avant que trois jours soient écoulés vous serez attaqué par des peuples barbares, qui viennent comme un torrent du haut des montagnes pour inonder votre ville et ravager tout votre pays » (Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre 1), « Ne cherchez donc pas un homme qui ait vaincu les autres dans ces jeux d’esprit et de corps, mais qui se soit vaincu lui-même » (ibidem, livre 5), « En quelque endroit des terres connues que la tempête ou la colère de quelque divinité l’ait jeté, je saurai bien l’en retirer » (ibidem, livre 8), « À moins que vous n’ayez été violée par deux Bulgares, que vous n’ayez reçu deux coups de couteau dans le ventre, qu’on n’ait démoli deux de vos châteaux, qu’on n’ait égorgé à vos yeux deux pères et deux mères, et que vous n’ayez vu deux de vos amants fouettés dans un autodafé, je ne vois pas que vous puissiez l’emporter sur moi » (Voltaire, Candide, chapitre 10), « Il ne m’échappera pas que nous n’ayons mesuré nos épées » (1, page 126), « Il n’y a pas d’apparence qu’elle ait après cela trouvé facilement à se bien placer » (2, page 126), « On ne trouvera sûrement pas que j’aie ici pallié la noirceur de mon forfait » (2, page 127), « Tout ce que je puis supposer le plus raisonnablement est qu’ils [Diderot et Grimm] auront fabriqué quelques écrits abominables qu’ils m’auront attribués. Cependant comme il est peu naturel qu’on les en ait crus sur leur parole, il aura fallu qu’ils aient accumulé des vraisemblances, sans oublier le style et la main » (Rousseau, lettre du 17 février 1770 à M. de Saint-Germain), « Je ne crois pas du tout que la disette ait été produite par des causes politiques » (4, page 56), « Il est faux que mon père ait employé des moyens pécuniaires à opérer la Révolution » (4, page 58), « Quelles que soient les fables qu’on ait débitées sur son compte, je suis convaincu que l’ambition n’était point dans son caractère » (4, page 103), « Trois semaines après, le Roi Louis XVI ayant accepté la Constitution, son autorité constitutionnelle fut rétablie et cet événement retarda momentanément l’exécution du traité de Pilnitz, sans qu’il paraisse que ce retard ait apporté aucun changement à la conduite et aux projets des émigrés, ni à ceux des Puissances étrangères » (4, page 217), « Je conçois qu’il [M. de La Fayette] ait été séduit par la perspective de sauver la France de l’anarchie populaire, et de défendre la monarchie constitutionnelle contre les attaques du peuple, après avoir défendu les droits de la nation contre les attaques de la Cour ; mais je ne conçois pas qu’il n’ait pas vu plus tôt qu’il était joué » (5, page 58), « Mais quoiqu’il n’y ait aucun doute que M. de Valence ne l’ait présenté [l’état des choses dans l’armée] tel qu’il était réellement, et qu’il soit également certain qu’il a insisté auprès des ministres sur la nécessité de continuer les opérations offensives, les réponses qui furent faites au maréchal [Luckner] l’engagèrent à se retirer précipitamment sur Lille » (5, page 67), « Ayons achevé ce travail avant demain soir pour que nous ayons alors rempli toutes nos obligations ».
La proposition rectrice peut aussi être au passé de l’indicatif, ou aux temps passés du subjonctif. En voici des exemples :
« Le carrosse du duc de La Rochefoucauld fut attaqué trois fois de nuit, sans qu’on ait pu savoir quelles gens y avaient part » (La Rochefoucauld, Mémoires, édition de la Pléiade, page 146), « Il est constant que, dans l’agitation où l’on était, il n’y avait que ce remède [l’arbitrage du Prince de Condé] pour rétablir les affaires. Il ne plut pas à la providence de Dieu de le bénir, quoiqu’elle lui eût donné la plus belle ouverture qu’ait jamais pu avoir aucun projet » (ibidem, page 114), « J’ai ouï dire à ceux qui l’ont connue particulièrement [Mme de Chevreuse], qu’il n’y a jamais eu personne qui ait si bien su les intérêts de tous les princes, et qui en parlât si bien, et qui eût plus de capacité pour bien démêler les grandes affaires ; mais il ne m’a pas paru par sa conduite que ses lumières aient été aussi grandes que sa réputation » (Mme de Motteville, Mémoires, chapitre 7), « Ton maître t’a-t-il ouvert son cœur là-dessus, et t’a-t-il dit qu’il eût pour nous quelque froideur qui l’ait obligé à partir ? » (Molière, Dom Juan, acte I, scène 1), « Près de trente ans se sont passés depuis ma sortie de Bossey sans que je m’en sois rappelé le séjour d’une manière agréable par des souvenirs un peu liés » (2, page 52), « Nul accident ne troubla mon voyage ; j’étais dans la plus heureuse situation de corps et d’esprit où j’aie été de mes jours » (2, page 93), « C’étaient bien les plus grandes salopes et les plus vilaines coureuses qui jamais aient empuanti le bercail du Seigneur » (2, page 97), « Jamais, ni dans ce temps-là ni depuis, je n’ai pu parvenir à faire une proposition lascive, que celle à qui je la faisais ne m’y ait en quelque sorte contraint par ses avances, quoique sachant qu’elle n’était pas scrupuleuse, et presque assuré d’être pris au mot » (2, page 130), « Le coup d’œil de notre première entrevue fut le seul moment vraiment passionné qu’elle m’ait jamais fait sentir » (2, page 151), « C’était un lazariste appelé M. Gros, bon petit homme, à moitié borgne, maigre, grison, le plus spirituel et le moins pédant lazariste que j’aie connu » (2, page 163), « Quoique sa vie ait été peu liée à la mienne, comme j’ai reçu de lui des leçons utiles, j’ai cru pouvoir, par reconnaissance, lui consacrer un petit souvenir » (2, page 192), « Il est incroyable qu’on en ait usé avec vous si sévèrement, sans que vous ayez commis quelque faute qui l’ait mérité » (3, page 116), « Si l’on voulait s’acharner sur le passé pour en faire l’immuable loi du présent, bien que ce passé ait été fondé lui-même sur l’altération d’un autre passé ; si on le voulait, dis-je, on se perdrait dans des discussions interminables » (Mme de Staël, Considérations sur la Révolution française, partie 1, chapitre 14), « Mme de Genlis disait en parlant d’elle [la mère de Paméla], que c’était une horrible femme, sans que j’aie su pourquoi elle la qualifiait ainsi » (4, page 17), « J’entre dans ces détails, afin d’expliquer comment Mme de Genlis a changé de nom si souvent, quoiqu’elle n’ait été mariée qu’une fois » (4, page 35), « Je présume que quiconque aura pris la peine de lire ces détails, ne croira plus qu’il ait fallu d’autres causes pour qu’il se soit trouvé dans les embarras pécuniaires » (4, page 64), « Nous partîmes le jour même, sans que j’aie jamais su la véritable cause de ce départ précipité » (4, page 137), « Mais le colonel Dillon ne fit le service de maréchal de camp à Valenciennes que pendant très peu de temps, et jusqu’à ce qu’il ait été remplacé par M. de Chalus […] » (4, page 239), « Si le Congrès était informé que les hautes parties contractantes, ou quelques-uns de leurs alliés, aient souffert quelqu’injure ou usurpation relativement à leur autorité dans les Domaines de leur possession, la décision du Congrès sera tenue finale et conclusive par toutes les parties, et elles employeront les forces ou partie des forces ci-dessus mentionnées, selon que l’occasion le requerra » (4, page 305), « Au reste, je n’ai jamais vu de Cour où les courtisans se soient trompés sur les véritables intentions des Rois » (4, page 320), « Plût à Dieu que ce fût le seul exemple que j’aie été à portée d’observer, dans le cours de ma longue carrière, de la difficulté de résister au torrent révolutionnaire, quand, une fois, on a été entraîné par son cours ! » (5, page 207), « Elle [Mme de Genlis] loua une petite maison au milieu de la ville, sans que mon père, ni moi, nous ayons pu savoir les motifs de ce choix bizarre, et sans qu’elle pût faire valoir ni raison ni prétexte pour la prolongation de son séjour en Angleterre » (5, page 288), « Que l’on cite une seule de mes actions, un seul de mes discours qui ait démenti ces principes, qui ait montré que, dans quelque circonstance où j’aie été placé, le bonheur du roi, celui du peuple, aient cessé d’être l’unique objet de mes pensées et de mes vues » (Thiers, Histoire de la Révolution française, livre 3), « J’avais soutenu, dans sa recherche d’un poste, l’un des meilleurs étudiants que j’aie jamais vus ».
Dans les exemples suivants, la proposition rectrice est au conditionnel :
« Avec toute l’impartialité possible, quoi qu’aient pu dire MM. Masseron, d’Aubone et beaucoup d’autres, je ne les saurais prendre au mot » (2, page 158), « Parce qu’il était dans son caractère de se faire comme un jeu de l’art de gouverner et de s’occuper en riant des affaires les plus sérieuses, on aurait tort de penser qu’il [le ministre Maurepas] n’ait pas su les traiter » (Sallier, Annales françaises, page 23), « Il suffirait que vous y ayez été assez longtemps [à l’armée de Condé], pour qu’il fût bien constaté que vous vous êtes rangés tous les trois sous le drapeau de l’émigration » (5, page 446), « Si un autre général, nourri loin de la corruption des cours et familier avec la victoire, demandait un renfort, et que, par un refus, le roi lui dît : je te défends de vaincre ! pourrait-on dire que le roi ait fait un acte formel d’opposition ? » (Thiers, Histoire de la Révolution française, livre 6).