Pluriels inhabituels
En règle générale, les noms (tous masculins) en « al » font leur pluriel en « aux ». Mais il y a des exceptions. On écrit : des avals, des bals, des cals, des carnavals, des chacals, des festivals, des finals, des pals, des récitals, des régals. Comme noms plus rares dont le pluriel prend un « s », on trouve, entre autres des noms d’animaux (un baribal, un caracal, un gavial, un gayal, un narval, un quetzal, un rorqual, un serval), des noms de fromages (un cantal, un emmental), des noms de produits chimiques (un acétal, un éthanal, etc.), le nom d’un linge liturgique (un grémial), le nom d’un abreuvoir (un bachal).
« Combien de fois, songeant aux bals de Paris abandonnés la veille, mes regards ont plongé dans la vallée du Doubs ! » (6, livre 1, chapitre 2). « Je ne pouvais pas dormir. Le pays nouveau, l’agitation du voyage, les aboiements des chacals… » (A. Daudet, Les Sauterelles), « Seins, fins régals des mains qu’ils gorgent de délices » (Verlaine, Femmes, « Partie carrée »).
Généralement, on parle de cérémonials, d’étals, d’idéaux, et de vaux. Cependant, on trouve aussi :
« On sait la richesse des vals de l’Etna » (Jules Michelet, La Mer, chapitre 2), « Ho ! n’avez-vous pas la rente de toutes les maisons, étaux, loges, échoppes de la Clôture ? » (Hugo, Notre-Dame de Paris, livre 5, chapitre 1), « Quand je traversai la poissonnerie, il y avait précisément, sur quatre étaux se faisant face, quatre narvals énormes qui brandissaient formidablement leurs espadons » (Théophile Gautier, Constantinople, chapitre « Les Boutiques »), « Il y a dans l’âme du peintre autant d’idéals que d’individus » (Baudelaire, Salon de 1846, chapitre 7), « Il subit, plusieurs fois, dans son hôtel, d’écrasantes soirées où des parentes, antiques comme le monde, s’entretenaient de quartiers de noblesse, de lunes héraldiques, de cérémoniaux surannés » (Huysmans, À rebours, chapitre 1).
« Et le remords les prend quand, au penchant des cimes,
Un éclair leur fait voir, les deux bras étendus,
Des cadavres hautains, dont les yeux magnanimes
Rêvent, tout grands ouverts, aux idéals perdus »
(Albert Samain, Symphonie héroïque, poème « Idéal »).
En règle générale, les adjectifs (tous masculins) en « al » font leur pluriel en « aux ». Mais là encore il y a des exceptions.
Quelques adjectifs masculins en « al » ont un pluriel en « als », comme banal (mais on parle de moulins ou fours banaux), bancal, fatal, naval, tombal, tonal. D’autres ont le plus souvent un pluriel en « als », comme austral, boréal, causal, glacial, marial, natal, pascal. D’autres ont le plus souvent un pluriel en « aux », comme atonal, choral, facial, final, idéal, jovial, tribal. S’agissant d’examens médicaux, les adjectifs « nataux, prénataux, postnataux » semblent gagner du terrain par rapport à « natals, prénatals, postnatals ». Exemples :
« La France doit être livrée aux angoisses d’une guerre intestine, et aux coups fatals des bataillons étrangers » (5, page 88), « Ô bois natals, j’errais sous vos larges ramures » (Leconte de Lisle, Poèmes barbares, poème « La Fontaine aux lianes »), « Une femme se réclame d’autant de pays natals qu’elle a eu d’amours heureux » (Colette, La Naissance du jour), « En termes polis, mais glacials, il lui exprimait simplement sa désapprobation d’une telle union » (Charles d’Orino, Le Pardon), « Tous les trois, un instant après, nous étions installés au fond de la boutique rouge et chaude, brusquement traversée par de glacials coups de vent » (Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, chapitre 3).
Les noms (tous masculins) en « au » ont un pluriel en « aux ». Outre « landau » et « sarrau », il y a quelques exceptions : un atriau [= une petite saucisse constituée d’un hachis de foie et de viande enrobé dans une crépine], un bérimbau [= un certain instrument de musique à corde], un grau [= un chenal de communication entre un étang et la mer, dans le Languedoc], un unau [= une des espèces de mammifère « paresseux »] ; au pluriel, ces mots prennent un « s ».
Les noms et adjectifs (tous masculins) en « eau » ont un pluriel en « eaux ».
Les noms (tous masculins) en « ail » ont un pluriel en « ails ». Il y a quelques exceptions : un bail, un corail, un émail, un fermail, un gemmail, un soupirail, un travail, un vantail, un ventail, un vitrail ; au pluriel, ces mots deviennent des baux, des coraux, etc. Cependant, on parlera de crédits-bails. Le pluriel « corails » est utilisé pour la partie rouge de la coquille Saint-Jacques et du homard, le pluriel « émails » pour des vernis et peintures, et le pluriel « travails » pour les machines qui maintiennent les grands animaux lorsqu’on les ferre. Le pluriel de « un ail » est « des aulx » dans le commerce, et « des ails » en botanique.
« Tu peux choisir. Ou de manger trente aulx,
J’entends sans boire, et sans prendre repos ;
Ou de souffrir trente bons coups de gaules,
Bien appliqués sur tes larges épaules »
(La Fontaine, Contes, « Le Paysan qui avait offensé son seigneur »).
En règle générale, les noms en « ou » ont un pluriel en « ous ». Les noms suivants font exception : bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou et pou. Exemples :
« Il ne répondit à ses reproches qu’en se jetant à ses pieds, en embrassant ses genoux » (6, livre 1, chapitre 15), « Lui, regardait ces bijoux, ces chiffons qui, la veille d’un mariage, emplissent une corbeille de noce » (ibidem, chapitre 16), « Il raccommodait ses joujoux » (8, partie 3, chapitre 11), « De gros poux le dévoraient, des sueurs terribles le laissaient sans force » (Zola, Le Ventre de Paris, chapitre 2), « Après dîner, on allait généralement s’asseoir au fond du jardin, sur les bancs d’un berceau adossé aux vieux murs d’enceinte – adossé à tout l’inconnu de la campagne noire où chantaient les hiboux des bois » (9, chapitre 34), « Elles étaient étranges et charmantes pour moi, ces rues étroites, pavées de cailloux noirs comme en Orient » (9, chapitre 47), « Et leurs doigts électriques et doux / Font crépiter, parmi ses grises indolences, / Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux » (Rimbaud, « Les Chercheuses de poux »), « Je vais enfin pouvoir planter mes choux ! » (chapitre 2).
Les noms (tous masculins) en « eu » ont un pluriel en « eux ». Les noms suivants prennent un « s » au pluriel : bleu, émeu [= une sorte d’autruche d’Australie], enfeu [= une niche funéraire], lieu [= un certain poisson], neuneu [= une personne bête, ou un amateur d’animations en couleur sur internet], pneu, richelieu [= une chaussure d’homme, basse, possédant deux empiècements sur lesquels sont posés les lacets].
L’adjectif « bleu » s’accorde en genre et en nombre, et il prend un « s » au pluriel. « Feu » [= défunt] s’accorde seulement lorsqu’il est placé après l’article ou l’adjectif possessif ; on écrit donc mes feus parents, et feu mes parents.
Rappelons que « aïeul » a pour pluriel « aïeuls » [= grands-parents] et « aïeux » [= ancêtres]. De même, « ciel » a pour pluriel « ciels » [= voûte céleste lorsqu’on parle de sa coloration, des nuages, etc.] et « cieux » [= voûte étoilée, demeure divine] : « Je songe aux ciels marins, à leurs couchants si doux » (J. Moréas, Les Stances). Usuellement, « œil » a pour pluriel « yeux », mais on parlera d’œils de porte, par exemple.