Bonjour,
Je suis élève en Première Littéraire à Nantes et, comme vous, j'ai passé le Concours Général en Composition française lundi dernier. Ce sujet m'a paru nettement plus « aisé » (toutes proportions gardées) que les sujets des années précédentes, pour ma part. Une joie immense s'est emparée de moi à la découverte de cette magnifique citation !
Petite remarque : ma troisième partie est exécrable.
Voici donc un aperçu de ce que j'ai produit sur ma copie :
Introduction (c'est une portion de celle que j'ai mise sur ma copie étant donné que je suis mon brouillon uniquement dans les grandes lignes) : « Au commencement était le Verbe. » Cette phrase, issue du Prologue de l'évangile selon Saint-Jean, est la transcription langagière de l'instant où le monde a commencé à être. Phénomène originel, épiphanie extraordinaire. Au-delà du mythe biblique, en littérature, cet événement peut aisément être apparenté au poème. Cependant, l'épiphanie de la forme poétique est idoine. Le poème est le bonheur de l'expression, il semble être la forme littéraire la plus pure. Il atteint cette « perfection » ou ce « bonheur » à l'instant où une parataxie éclôt entre le mot et la chose ; au moment où une coalescence immédiate s'effectue pour former une singulière volupté. La forme poétique, ce genre « élevé » comme le nomme Aristote dans La Poétique, de par sa stase et son aspect synchronique, est sans doute le chantre du langage. Ainsi, « poème » se trouve être hyponyme d'euphémie (du grec euphemia, la bonne parole, la parole juste). D'ailleurs, Pascal Quignard ne dit point autre chose en affirmant que [là je reformule la citation]. Après cette relative kyrielle de considérations, il est de notre bon droit d'interroger le poème sans ambages : le poème, forme littéraire pure, est-il le parangon de l'euphémie, c'est-à-dire de la parole juste, précise et hors de laquelle n'existe aucune vérité ? Il sera donc nécessaire d'étudier le poème en tant que bonheur de l'expression, épiphanie du vrai et donc comme droite superposée au fluide de la langue ; puis de voir si, dans une toute relative mesure, l'évocation, la suggestion et la subjectivité ne forment pas l'essence même de la forme poétique ; enfin, il s'agira de passer outre ce paradigme en considérant le poème comme métaphore de l'homme à travers les siècles et pure figure de style voulant signifier l'ineffable.
[Vous le remarquerez, chose étrange, les noms de sous-parties et de sous-sous parties sont en réalité des citations...]
I - Cf. annonce du plan.
1.1 - « Ce ne sont pas les idées qui font les vers, ce sont les mots. » - Mallarmé
1.1.1 - Citation du début des « Djinns » in Les Orientales (1829) de Victor Hugo, couleur locale succintement énoncée à travers des termes juxtaposés, etc. :
« Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit ! »
Le haïku est la piqûre essentielle. Forme épigrammatique délestée de morale. Epiphanie finale. Roland Barthes cite, entre autres, ce haïku dans son cours au Collège de France intitulé La Préparation du Roman (1978-1979) : « Dans la vieille mare / Une grenouille saute / Oh, le bruit de l'eau ! ». Dans Variétés I, Paul Valéry parle de la « maigreur essentielle des choses ». Le mot est l'essentiel.
1.1.2 - L'hapax, le semelfactif, Mallarmé, Ponge : pour coller à la chose, à la perfection sonore, pour arriver au mot trouvé : nécessité d'inventer des mots. Exemple : « nul ptyx abolit bibelot d'inanité sonore. » - Mallarmé, « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx ».
1.1.3 - L'idée est propre au sujet. Spinoza a dit « Dieu est incapable de fiction. » Or, le poète est le divin. (étymologie, poiein, créer, faire...) Le poète n'utilise donc pas les idées mais le matériau brut qu'est le mot.
1.2 « Le faire-corps avec la langue. »
1.2.1 - « La langue est fasciste » - Roland Barthes dans sa leçon inaugurale au Collège de France en 1977. Le poème dit oui à cela. Sujétion du poème donc sujétion du poète.
1.2.2 - « La pensée est pure parole. » - Maurice Blanchot dans L'Espace littéraire (1955) / Fin des « Djinns » :
« On doute
La nuit...
J'écoute : -
Tout fuit,
Tout passe
L'espace
Efface
Le bruit. »
Le poème doit coller à la langue pour s'envoler dans l'éther devenir pensée. [J'ai cité des vers de Sidoine Apollinaire, ce me semble] / « La prose se sert des mots, la poésie sert les mots. » - Jean-Paul Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ?
1.2.3 - « La littérature est l'essentiel ou n'est rien. » - Georges Bataille / Le poème se veut essence ; il se veut langage ; il se veut vérité. / Le poète est l'entité médiate devant relier la forme poétique et l'essence du langage / « La seule règle est d'être vrai. » - Stendhal
1.3 - Je ne me souviens plus de cette sous-partie en détails mais j'ai dû parler de l'Antiquité et plus particulièrement des gnomiques (maximes, courts poèmes) de Théognis et de Phocylide.
Transition : [Je ne m'en souviens plus.]
II - Cf. annonce du plan. / Le poème est art. [Je ne l'exprime pas dans le plan que je vous donne ici mais l'idée du Beau évolue en filigrane]
2.1 - « La poésie est la raison chantée. » - Alphonse de Lamartine (article intitulé Destinées de la poésie dans La Revue des Deux Mondes)
2.1.1 - Le verbe romantique. [Toute cette deuxième partie est plutôt tournée vers l'histoire littéraire]. Lamartine : Méditations poétiques (1820) / Sainte-Beuve : Vies, Poésies et Pensées de Joseph Delorme (1829) / Citation du quatrième quatrain de « L'Isolement » in Méditations poétiques :
« Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. »
/ Exaltation de Dieu et du Poëte. Flot rumoreux de la littérature. Recherche de l'équanimité. Diasémie : éclatement du sens confortant la subjectivité. / Nabokov (l'un des plus grands écrivains américains de la seconde moitié du XXe selon Alain Robbe-Grillet) : « Il faut à mon avis écrire pour plaire à un seul lecteur : soi-même. »
2.1.2 - Effacement des traits de la construction syntaxique des poèmes à l'époque romantique / « Le vrai art est celui qui ne semble être art. » - Castiglione / « L'art de la technique est de se faire oublier. » - Schopou (Schopenhauer) / « En art, point de frontières. » - Victor Hugo in Tas de Pierres
2.1.3 - Le poème est oralité écrite. / Rhétorique / Rythme / Sonorités / Pathos / Appel (Klesis, en grec) aux sens / Citation de « Ondine » in Gaspard de la nuit (1842) d'Aloysius Bertrand. / Sur l'écriture : « Une vieille et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur. » - Stéphane Mallarmé / T.S. Eliot : « Genuine poetry can communicate before it is understood. »
2.2 - « L'art de l'évocation est l'extrême précision dans l'extrême splendeur. » - Jules Lemaître (critique littéraire des XIX et XXe siècles)
2.2.1 - Le poème, à travers son arche formel, s'offre comme objet mystérieux dans les mains du lecteur. « Le poème est un mystère dont le lecteur doit trouver la clef. » - Mallarmé / L'hermétisme / Les formes de la nature sont les symboles multiples d'une même réalité ; sous leur diversité se trouve une unité profonde, mystérieuse et impalpable. / Expression des réminiscences mystérieuses dans « Fantaisie » in Odelettes (1853) :
« Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue et dont je me souviens. »
2.2.2 - Le poème est symbole ; il est concentration imagée d'idées. Dans « La Maison du Berger » (1844), Alfred de Vigny métaphorise le poème comme « diamant » : [Je vous donne la citation cette fois-ci car cela me semble vraiment beau]
« Poésie, il se rit de tes graves symboles.
Ô toi des vrais penseurs impérissable amour!
Comment se garderaient les profondes pensées
Sans rassembler leurs feux dans ton diamant pur
Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées ? »
« On se souvient des images et non des choses. » - Sebald / Baudelaire à la fin de « L'Albatros ».
Arthur Rimbaud, synesthésie, « Voyelles » (1872) :
« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrement divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! »
2.2.3 - Le poème est effet sonore ; elle est musique. Synesthésie : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » dit Charles Baudelaire dans un sonnet intitulé « Correspondances » / « De la musique avant toute chose » (Paul Verlaine) / « La poésie, proche l'idée, est Musique, par excellence. » - Mallarmé dans Quant au livre / Franz Liszt porte à la musique les Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine / De même, plus tard, Achille-Claude Debussy mettra en musique L'Après-Midi d'un Faune de Mallarmé en composant l'oeuvre symphonique : Le Prélude à l'après-midi d'un faune. Lien inextricable entre le poème et la musique.
2.3 - La fruition du Moi. La subjectivité. Le cantique du soi. [Je vais vite.]
2.3.1 - Le poème révèle des états d'âme fugaces. Elégie. Sainte-Beuve qui loue Adèle Hugo dans ses poèmes suscite chez Victor Hugo une certaine colère ; il dira : « Il y a entre l’ami de la maison et le bonheur du ménage le rapport du diviseur au quotient. » / Julie Charles et Lamartine : mort, temps, amour.
2.3.2 - La mélancolie et le spleen. / Baudelaire « Spleen LXXVIII », dernier quatrain :
« Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »
2.3.3 - Le lyrisme. Le chant intérieur. La nature. La mer, etc.
Transition : [Là non plus je ne m'en souviens plus.]
III - Cf. annonce du plan. [Cette partie est un affreux spectacle en ce sens qu'il me semble hors-sujet ; je m'en excuse par avance.]
3.1 - Le poème épique comme vision trans-séculaire de l'homme : le nom sur le bout de la langue, le pothos (en grec : le désir insatisfait)
3.1.1 - Jocelyn (1836) de Lamartine ou l'épopée de l'homme intérieur. / Lamartine rêvait de donner à la France la grande épopée qui lui manquait. Il s'agit là d'une immense histoire des destinées humaines : 10000 vers, oeuvre en neuf époques. Jocelyn renonce pour sa soeur à l'héritage paternel et décide de se faire prêtre. Il est au séminaire lorsque la Terreur l'oblige à se réfugier. [Ellipse : je vous fais grâce d'un résumé complet mais je vous donne tout de même la fin] Las de la vie, il meurt en soignant des malades décimés par une épidémie. (épilogue) / Cette entreprise d'envergure restera inachevée ; l'épopée est l'inachèvement.
3.1.2 - La Chute d'un Ange (1838) de Lamartine [Si vous vous lassez, c'est normal : moi aussi.] / Il s'agit également d'un poème épique ; celui-ci fait suite à Jocelyn et est censé être intégré dans l'ensemble inachevé. Oeuvre de onze mille vers, ce me semble. Cette épopée conte l'amour de l'ange Cédar pour Daïdha, une descendante de Caïn, et les suites de cette passion coupable : Cédar, condamné à devenir un homme, passe par toutes les épreuves de la terre, perd sa compagne au désert, meurt désespéré sur un bûcher aux côtés du cadavre et ne retrouve sa forme première qu'après neuf réincarnations successives, etc. L'entreprise est incomprise du public et donc très mal reçue. / Le nom sur le bout de la langue voulant se cacher derrière l'évocation se trouve être objet d'incompréhension entre l'entité médiate (le poète) et le peuple.
3.1.3 - La Légende des Siècles - Hugo / Beauté absolue mais inadéquation avec la réalité politique du Second Empire /
3.2 - Le poème permet d'exprimer l'indicible et de dire l'ineffable
3.2.1 - Mort de Léopoldine, Demain dès l'aube.
3.2.2 - Le cauchemar des deux mères (Eugène Manuel)
3.2.3 - Poèmes négritude. Césaire. Senghor. Poètes ivoiriens comme Joachim Bohui Dali ; voici ses vers les plus connus :
« Faute de joie
Laissons éclater la rage
Courons plus vite que les balles des fusils
Au milieu des éperviers se lamente une grive blessée. »
3.3 - [Je ne sais plus ce que j'y ai mis mais j'ai dû m'envoler dans l'éther de l'âme qui révèle à la littérature... En somme, circonvolutions sur circonvolutions...]
Conclusion : [Je ne veux vraiment pas l'écorcher et c'est pour cela que je ne la réécris guère. Elle m'a semble vraiment bien. Je vous donne juste des bribes de la fin de la conclusion.] Platon voulait que le poème fût quelque chose « d'ailé, de léger, de divin. » / Plus on arrive à la source originelle moins les mots se font fleuves. Le poème fait fit de cela démontrant sa capacité à exprimer l'indicible et à dire l'ineffable : car le poème est tout-langage. [En très gros]
Bon, après avoir eu le courage de lire tout cela, je jouirais de lire vos avis sur cet aperçu. (j'ai ommis maints éléments)
A bientôt !
P.S. : Pour ceux qui aiment le quantitatif : j'ai fait un peu plus de 14 pages.
P.P.S. : Je suis désolé s'il y a des fautes d'orthographe : je ne me suis point relu.