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Verlaine, Art poétique

Comment interprétez-vous ce poème tiré d'Art poétique :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise ;
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !


Paul Verlaine
«1

Réponses

  • Le titre ! tout est dans le titre Art poétique
  • Le poème que tu cites n'est pas "tiré d'Art poétique" ; ce sont les 4 premières strophes du poème Art poétique (quand tu mets "poème tiré d'Art poétique, on comprend "poème tiré du recueil Art poétique")
    Et pour quel objectif interpréter ? un devoir scolaire ?
    As-tu lu Les correspondances de Baudelaire ? ça aide, pour la 4ème strophe...
  • Comme l'a dit Léah il s'agit d'un art poétique, c'est-à-dire un texte qui expose une conception de la Poésie et dont le registre est (de fait) didactique.

    Voici un plan succinct qui me semble pertinent pour une étude dans le secondaire (en tout cas c'est celui qui m'a été proposé l'année dernière, en première)

    L'originalité de cet art poétique est qu'il s'oppose formellement au classicisme théorisé dans le célèbre Art Poétique de Boileau. On peut se demander quel est le type de poésie que défend Verlaine. Dans cette perspective, on structurera l'étude du poème en trois points :

    - Un art poétique original (le registre didactique inhérent à l'art poétique classique, un refus d'imposer des règles précises à l'écriture, un mélange équitable de théorie et de pratique (utilisation de nonasyllabes, vers impair (=imprécision), 9 évoque les neuf muses)
    - Les refus de Verlaine (portée polémique : condamnation de la poésie classique de la poésie satirique = la pointe assassine ; cet ail de basse cuisine, condamnation de la poésie qui fait de la rime le seul critère de la beauté d'un poème )
    - Une poésie symboliste (influencée par l'impressionnisme, la musique de la poésie exprime la musique de l'âme = le travail sur les mots exprime le moi profond du poète, Verlaine exprime l'espoir que sa poésie puisse l'aider à retrouver l'innocence morale à laquelle il aspire)

    La conception de Verlaine est donc celle de la poésie symboliste : il faut créer un langage nouveau (le mot symbole vient du grec "sumbolon", un objet cassé en deux qu'on remet à deux personnes différentes et qui constituent un moyen de se reconnaître). La poésie symboliste c'est cette langue résolument nouvelle, qui exprime la musique de l'âme. (c'est pour ça qu'avoir lu Baudelaire, comme dit Léah, ça aide)
  • S'il s'agit d'un simple devoir scolaire, comprendre un texte soi-même apporte une bien plus grande satisfaction que se faire mâcher le travail...

    Ceci dit ... ce poème étant peu aisé à aborder si l'on ne connait pas le contexte historique et biographique (et le message du texte est surtout extrêmement dense), j'ai exposé en vrac les idées principales qu'on peut en extraire. (je ne prétends pas détenir l'interprétation exacte, il y a dans les parages des gens bien plus compétents que moi, en la matière: la littérature ou l'école de l'humilité)

    Si tu as besoins de précisions, n'hésite pas.
    Il faut aussi éviter quelques écueils comme la tentation de parler d'allégorie à cause des majuscules à “Nuance”, “Rime”, “Pointe”. Verlaine colle toujours une majscule aux principes littéraires, c'est comme ça…
  • Je vous remercie de vos réponses. Ce n'est pas pour un devoir scolaire, c'est pour partager nos interprétations, nos points de vue. C'est vrai que j'aurais dû mettre "Art poétique" entre guillemets et non en italique.

    J'aime beaucoup Baudelaire (moins "Correspondances", que je trouve trop didactique). Vous situez Verlaine dans les symbolistes. Il me semble que Verlaine voulait secouer le joug de la stricte discipline parnassienne. Il se situe à la frontière du symbolisme. Les symbolistes rêvent d'atteindre, par-delà les apparences, une réalité transcendante. Verlaine ne leur suggère-t-il pas par ce poème de s'affranchir de la rime et des nécessités de la métrique régulière ?
  • Si bien sûr ! la rime "ce bijou d'un sou" dont Verlaine soi-même ne s'est pas affranchi. Cependant, il a dépoussiéré. Mais c'est surtout Rimbaud qui ouvre la voie à une poésie non rimée et non métrée. Art autrement difficile que le sonnet ! (quand celui-ci reste au niveau d'Arvers ;-) et n'atteint pas les sommets baudelairiens)
    La discipline parnassienne est l'aboutissement de l'art classique et donc de l'Art poétique de Boileau. Celui de Verlaine est aussi une réponse à Boileau -et un refus.
  • En fait, plus que s'affranchir de la rime, finalement, Verlaine n'a-t-il pas voulu simplement éviter d'abuser de la rime ? On peut affaiblir son effet trop répétitif par des assonances et des allitérations à l'intérieur des vers.

    Leconte de Lisle (que personnellement je ne trouve pas très convaincant en tant que poète) a fondé le mouvement du Parnasse, c'est-à-dire plutôt que quelques poètes se sont groupés autour de lui et se nommèrent Parnassiens. Mais le Parnasse ne fut pas une école car aucun des disciples de Leconte de Lisle ne lui ressemblait (à part peut-être Heredia) et ils étaient très différents les uns des autres. Il y eut François Coppée, Heredia, Verlaine, Anatole France, Léon Dierx, Mendès. Ils se donnaient des airs d'impassibilité alors qu'ils étaient dévorés de sensibilité !
  • Pour le Parnasse tu oublies Théophile Gautier, le plus important ! Théoricien de l'art pour l'art, il faut lire sa Préface à Mademoiselle de Maupin, véritable "manifeste du Parnasse"
    Une bonne page
    https://www.site-magister.com/parnasse.htm

    Verlaine n'est pas vraiment considéré comme un parnassien
  • Oui, c'est vrai, j'ai oublié Théophile Gautier. Merci, Léah. En fait, il me semble que dans ce poème Verlaine s'oppose tant à la poésie spirituelle des XVIIe et XVIIIe siècles, qu'à la poésie romantique du XIXe et à la poésie parnassienne. Et contrairement à la précision de Théophile Gautier, Verlaine préfère le contraste, la demi-teinte.

    Ce que j'aime chez Verlaine, c'est la musicalité de sa poésie. Il avait l'oreille musicale et le sens du rythme. Il écrivait de la poésie comme on compose de la musique. Il essaye d'exprimer ce que seule la poésie peut exprimer, en restant toujours dans la nuance et la demi-teinte, en faisant appel qu'au minimum à l'intelligence et à la pensée claire. Il fait un travail d'équilibriste à la frontière entre l'explicite et le suggéré. Et c'est pourquoi ce poème me chiffonne, car je trouve qu'il s'écarte de ses autres poèmes : il est trop explicite pour mon goût. Mais si vous me faites changer d'avis, j'en serai ravie et c'est pour ça que j'ai ouvert ce sujet.
  • Malheureusement pour toi (et pour ceux qui voudraient te faire changer de point de vue ;-) ce poème est un Art poètique, donc par nature explicite et didactique. Mais pourquoi vouloir à tout prix changer d'avis ? Et pourquoi Verlaine devrait-il toujours être égal à lui-même ?
  • bonjour a tous je cherche un commentaire de paul verlaine sur la poésie "art poétique" merci a tous
  • De la musique avant toute chose,
    Et pour cela préfère l'Impair
    Plus vague et plus soluble dans l'air,
    Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

    Il faut aussi que tu n'ailles point
    Choisir tes mots sans quelque méprise :
    Rien de plus cher que la chanson grise
    Ou l'Indécis au Précis se joint.

    C'est de beaux yeux derrière des voiles,
    C'est le grand jour tremblant de midi ;
    C'est par un ciel d'automne attiédi,
    Le bleu fouillis des claires étoiles !

    Car nous voulons la Nuance encor,
    Pas la couleur, rien que la Nuance !
    Oh ! la nuance seule fiance
    Le rêve au rêve et la flûte au cor !

    Fuis du plus loin la Pointe(1) assassine,
    L'Esprit cruel et le Rire impur,
    Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
    Et tout cet ail de basse cuisine !

    Prend l'éloquence et tords-lui son cou !
    Tu feras bien, en train d'énergie,
    De rendre un peu la Rime assagie.
    Si l'on y veille, elle ira jusqu'où ?

    Ô qui dira les torts de la Rime !
    Quel enfant sourd ou quel nègre fou
    Nous a forgé ce bijou d'un sou
    Qui sonne creux et faux sous la lime ?

    De la musique encore et toujours !
    Que ton vers soit la chose envolée
    Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
    Vers d'autres cieux à d'autres amours.

    Que ton vers soit la bonne aventure
    Éparse au vent crispé du matin
    Qui va fleurant la menthe et le thym...
    Et tout le reste est littérature.
  • Tiens, j'ai trouvé cette explication de texte:
    "L'Art poétique"
    Tu peux peut-être y trouver des idées ( sans copier bien sûr) .
  • Bonjour !
    J'ai un travail à faire et le problème est : En quoi la poésie Art poétique de Verlaine est-elle un art poétique ?
    J'ai commencé à réfléchir et je me suis dit que je pouvais faire une première partie sur les règles que Verlaine énonce et une autre sur comment il les applique.
    Suis-je sur le bon chemin ? Avez-vous d'autres idées ?

    Merci d'avance. =)
  • Jean-LucJean-Luc Modérateur
    Il ne faut jamais séparer le fond et la forme dans le commentaire composé.

    Tu définis néanmoins exactement ce qu'est un art poétique : un projet et son illustration, sa mise en œuvre.

    Pour exposer la définition sans recourir à la dichotomie, essaie plutôt de trouver un plan thématique qui présentera sous trois axes les ambitions verlainiennes : musicalité, imprécision, thèmes...
  • D'accord.
    Merci beaucoup =D
  • Zburg18Zburg18 Membre
    Bonjour,

    Il faut veiller à bien définir ce qu'est un art poétique...

    Il s'agit d'un ouvrage théorique mais de caractère littéraire, et souvent composé en vers, où sont exposées les conditions de la création poétique et les lois de son expression formelle. Tout art poétique se réfère à une esthétique cohérente qui détermine son orientation et son contenu. Ce genre qui peut aussi intégrer des éléments de critique littéraire et même de polémique, est surtout florissant au cours des ages "classiques", qui valorisent une esthétique de l'ordre et de la règle : le siècle d'Auguste avec Horace ; le siècle de Louis XIV avec Boileau. Mais à l'intérieur de ce genre s'instaure aussi la distinction entre l'exposé d'un doctrine qui sert de principe a priori à la création poétique (Défense et illustration de la langue française de Du Bellay) et le bilan d'une expérience acquise (l'Art poétique de Boileau).

    En espérant vous avoir été utile.

    Zburg (1èreS)
  • Bonjour a tous !.
    J'ai une lecture analytique a faire sur le poéme de Paul Verlaine "Art poétique", Jadis et Naguére.
    J'ai eu aucun probléme a déchiffrer le poéme,son but etc...
    Mais je n'arrive pas a trouvé d'axe.

    Alors en grand " I. Un poéme didactique"
    en grand " II. Rejet des formes antérieur"
    et enfin en grand " III. Les nouvelles régles & application"

    Si qq'un peut m'aider a trouver les petits A) et B) de chaque partie je lui en serait reconnaissant.
  • JehanJehan Modérateur
    Bonjour.

    Tu pourrais consulter, comme abdoulaye le propose sur ce fil, cette page d'un site consacré à l'explication de vingt poèmes de Verlaine. Et lire aussi les autres messages.
  • Bonjour.

    Dans "Je disais à Stéphane Mallarmé", Paul Valéry écrit:

    "Peut-être pourrait-on caractériser un poète par la proportion qu'on y trouve de ces deux langages: l'un naturel; l'autre, purifié et spécialement cultivé pour l'usage somptuaire? Voici un bon exemple de deux poètes du même temps et du même milieu: Verlaine, qui ose associer dans ses vers les formes les plus familières et les termes les plus communs à la poétique assez artificieuse du Parnasse, et qui finit par écrire en pleine et même cynique impureté: et ceci, non sans bonheur; et Mallarmé..."

    Je n'ai pas compris pourquoi Verlaine "finit par écrire en pleine et même cynique impureté". Serait-ce une allusion à son recueil "Femmes"? Quel sens faut-il donner à "impureté"?

    Merci d'avance pour vos éclaircissements. Cordialement et respectueusement.
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