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Hugo, Les Contemplations I,18, « Les oiseaux »

Bonjour à toutes et à tous,

Je voudrais savoir si dans le poème « Les oiseaux » au v.23 le « houx noir » et « le sage » sont bel et bien la même personne ?

Voici le poème en question :

XVII

LES OISEAUX


Je rêvais dans un grand cimetière désert ; 

De mon âme et des morts j’écoutais le concert, 

Parmi les fleurs de l’herbe et les croix de la tombe. 

Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe. 

Et l’ombre m’emplissait. 

                    Autour de moi, nombreux, 

Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux, 

Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière, 

Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière. 

C’était l’éternité que taquine l’instant. 

Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant, 

Égratignant la mort de leurs griffes pointues, 

Lissant leur bec au nez lugubre des statues, 

Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux. 

Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ; 

Je criai : – Paix aux morts ! vous êtes des harpies. 

– Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies. 

– Silence ! allez-vous-en ! repris-je, peu clément. 

Ils s’enfuirent ; j’étais le plus fort. Seulement, 

Un d’eux resta derrière, et, pour toute musique, 

Dressa la queue, et dit : – Quel est ce vieux classique ? 


Comme ils s’en allaient tous, furieux, maugréant, 

Criant, et regardant de travers le géant, 

Un houx noir qui songeait près d’une tombe, un sage

M’arrêta brusquement par la manche au passage, 

Et me dit : – Ces oiseaux sont dans leur fonction. 

Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon. 

Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière. 

Homme, ils sont la gaîté de la nature entière ; 

Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté 

À l’astre, son sourire au matin enchanté ; 

Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie, 

Et nous l’apportent ; l’ombre en les voyant flamboie ; 

Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers ; 

À travers l’homme et l’herbe, et l’onde, et les halliers, 

Ils vont pillant la joie en l’univers immense. 

Ils ont cette raison qui te semble démence. 

Ils ont pitié de nous qui loin d’eux languissons ; 

Et, lorsqu’ils sont bien pleins de jeux et de chansons, 

D’églogues, de baisers, de tous les commérages 

Que les nids en avril font sous les verts ombrages, 

Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants, 

Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants ; 

Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière, 

Vider dans notre nuit toute cette lumière ! 

Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons : 

« Les voilà ! » tout s’émeut, pierres, tertres, gazons ; 

Le moindre arbrisseau parle, et l’herbe est en extase ; 

Le saule pleureur chante en achevant sa phrase ; 

Ils confessent les ifs, devenus babillards ; 

Ils jasent de la vie avec les corbillards ; 

Des linceuls trop pompeux ils décrochent l’agrafe ; 

Ils se moquent du marbre ; ils savent l’orthographe ; 

Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur, 

Devant qui le mensonge étale sa laideur, 

Et ne se gêne pas, me traitant comme un hôte, 

Je trouve juste, ami, qu’en lisant à voix haute 

L’épitaphe où le mort est toujours bon et beau, 

Ils fassent éclater de rire le tombeau. 


                                      Paris, mai 1835.


Merci de m'avoir lu.

Réponses

  • Bonjour,

    Oui. Verbe au singulier et sage entre virgules. Chez les Celtes, le houx était synonyme de sagesse et de protection. Evidemment, il est noir dans ce cas précis pour la connotation lugubre du poème. Mais le houx "normal" est vert foncé, presque noir.

  • QuintusQuintus Membre

    Merci 😊

  • JehanJehan Modérateur
    17 mars modifié

    Oui, grammaticalement parlant, "un sage" est en apposition à "un houx noir"...

    Donc équivalence : un houx = un sage.

    Autre remarque :

    Un houx noir qui songeait près d’une tombe, un sage, 

    M’arrêta brusquement par la manche au passage,

    Bien sûr, ce sont les piquants des feuilles qui agrippent la manche du poète ! 😉

  • QuintusQuintus Membre
    17 mars modifié

    Merci @Jehan

    Je dois faire un commentaire sur ce poème mais j'avoue peiner un peu. Je dois trouver une problématique en lien avec les figures présentes dans ce poème et leurs interactions.

    Je suis tenté de partir sur un plan en deux axes (encore un peu brouillon) :

    • Le poète reçoit une leçon, un enseignement (De sa position réfractaire, conflit avec les moineaux et argumentaire du sage)
    • Le poème a pour effet d'amener un décentrement : élargir notre conception de la vie et de la mort qui ne sont pas scindées mais qui forment bien un tout cohérent, coexistant. (Notamment lorsque les figures de la nature sont personnifiées, quasiment humanisées).


    Je ne suis pas du genre à demander de l'aide, mais j'avoue me perdre dans l'organisation des idées quant à ce poème.


    (ERRATUM, il s'agit du poème XVIII et non XVII du livre I des Contemplations.)

  • Jean-LucJean-Luc Modérateur

    Oui, les pistes sont justes.

    Ne pas oublier le changement inattendu de tonalité finale : la notation satirique.

  • QuintusQuintus Membre
    17 mars modifié

    Merci @Jean-Luc

    J'ai reformulé et suis parti avec la problematique : Comment le poème à pour effet d'amener un décentrement afin de concevoir la vie et la mort comme faisant partie d'un ensemble cohérent ?


    J'ai choisi deux axes :

    - La leçon d'apprentissage du poète par la rhétorique du sage.

    - Les jeux d'opposition entre vie et mort, ombre et lumière, silence et bruit qui tendent progressivement à se totaliser.


    Merci du conseil de la notion satirique qui effectivement s'insère dans une dimension de grotesque et de critique des codes jugés ostentatoires.

    J'espère que ça tiendra afin de ne pas trop m'éparpiller. 😊

  • Jean-LucJean-Luc Modérateur
    18 mars modifié

    Quelques suggestions :

    Comment le poème a pour effet d'amener un décentrement...

    La leçon d'apprentissage du poète par la rhétorique du sage.

    La formulation est ambiguë et redondante. Préfère "le poète apprend à l'école du sage" .

    Note bien l'effet de rupture entre des considérations mystiques et poétiques, et une fin triviale.

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