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Racine, Mithridate, acte IV, scène 4

Bonjour, je n'arrive pas à reconnaitre les figures de style présentes dans cet extrait de pièce de théâtre. Quelqu'un pourrait m'aider ? Je dois en faire une analyse linéaire.
MONIME.
Je n’ai point oublié quelle reconnaissance,
Seigneur, m’a dû ranger sous votre obéissance :
Quelque rang où jadis soient montés mes aïeux,
Leur gloire de si loin n’éblouit point mes yeux.
Je songe avec respect de combien je suis née
Au-dessous des grandeurs d’un si noble hyménée ;
Et malgré mon penchant et mes premiers desseins
Pour un fils, après vous, le plus grand des humains,
Du jour que sur mon front on mit ce diadème,
Je renonçai, seigneur, à ce prince, à moi-même.
Tous deux d’intelligence à nous sacrifier,
Loin de moi, par mon ordre, il courait m’oublier.
Dans l’ombre du secret ce feu s’allait éteindre ;
Et même de mon sort je ne pouvais me plaindre,
Puisque enfin, aux dépens de mes vœux les plus doux,
Je faisais le bonheur d’un héros tel que vous.
Vous seul, seigneur, vous seul, vous m’avez arrachée
À cette obéissance où j’étais attachée ;
Et ce fatal amour dont j’avais triomphé,
Ce feu que dans l’oubli je croyais étouffé,
Dont la cause à jamais s’éloignait de ma vue,
Vos détours l’ont surpris, et m’en ont convaincue.
Je vous l’ai confessé, je le dois soutenir.
En vain vous en pourriez perdre le souvenir ;
Et cet aveu honteux où vous m’avez forcée,
Demeurera toujours présent à ma pensée ;
Toujours je vous croirais incertain de ma foi :
Et le tombeau, seigneur, est moins triste pour moi
Que le lit d’un époux qui m’a fait cet outrage,
Qui s’est acquis sur moi ce cruel avantage,
Et qui, me préparant un éternel ennui,
M’a fait rougir d’un feu qui n’était pas pour lui.
Réponses
RAC. Mithr. IV, 4.
Il te faut bien comprendre ce qu’il se passe. C’est un imbroglio amoureux compliqué par la raison d’État.
Monime aime le fils du roi, mais se sent redevable au monarque. Elle tente de s’expliquer. C’est une argumentation qui mêle conviction (arguments raisonnables) et persuasion (appui sur des sentiments et des valeurs supérieures).
Trois mouvements dans ce plaidoyer :
La reconnaissance, les circonstances, la première décision avec un hommage appuyé
Un événement perturbateur, le roi rallume la passion endormie,
Monime ne peut plus s’engager dans le mariage. Sa vie est désormais une lente agonie.
La modalisation : un JE qui s’affirme, prend ses responsabilités et tente de protéger l’amant.
La force d’un amour qui s’impose, recours au langage précieux (métaphorique) de la passion : feu, cruel, fatal, outrage, éternel ennui.
Quelques procédés caractéristiques qui viennent renforcer l’argumentation :
Les hyperboles, l’emphase
Quelque rang où jadis soient montés mes aïeux,
Leur gloire de si loin n’éblouit point mes yeux.
Je songe avec respect de combien je suis née
Au-dessous des grandeurs d’un si noble hyménée ;
Et ce fatal amour dont j’avais triomphé, (l’amour vécu comme un combat)
Et cet aveu honteux où vous m’avez forcée, (l’amour vécu comme un combat, ici recours à l’honneur)
Que le lit d’un époux qui m’a fait cet outrage, (recours à l’honneur)
Les reprises qui soulignent la focalisation sur le destinataire
Vous seul, seigneur, vous seul, vous m’avez arrachée
La comparaison outrée et paradoxale :
Et le tombeau, seigneur, est moins triste pour moi
Que le lit d’un époux qui m’a fait cet outrage,
Qui s’est acquis sur moi ce cruel avantage,
Et qui, me préparant un éternel ennui,
M’a fait rougir d’un feu qui n’était pas pour lui.
Dans cette dernière partie, Monime retourne habilement la situation. C’est elle la victime, le roi devient son bourreau. Elle minimise ainsi la valeur de son engagement initial.