Fiches méthode Bac de français 2021
Bonjour,
Je passe l'oral de français dans quelques jours et je l'appréhende un peu.
Concernant l'objet d'étude poésie, nous avons étudié la section Rhénanes de Alcools d'Apollinaire.
Cependant, il y a plusieurs choses que je n'arrive pas à cerner :
- Comment fait-on pour "couper" les vers dans ces poèmes étant donné qu'il n'y a pas de ponctuation ?
- Je n'ai également pas trop compris le but de l'ivresse dans ce poème, à part exprimer l'ivresse poétique.
Merci de m'éclairer sur ces 2 questions,
EmeraudeTurquoise
Je passe l'oral de français dans quelques jours et je l'appréhende un peu.
Concernant l'objet d'étude poésie, nous avons étudié la section Rhénanes de Alcools d'Apollinaire.
Cependant, il y a plusieurs choses que je n'arrive pas à cerner :
- Comment fait-on pour "couper" les vers dans ces poèmes étant donné qu'il n'y a pas de ponctuation ?
- Je n'ai également pas trop compris le but de l'ivresse dans ce poème, à part exprimer l'ivresse poétique.
Merci de m'éclairer sur ces 2 questions,
EmeraudeTurquoise
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Réponses
- Quand vous dites "l'ivresse dans ce poème" Il s'agit bien de Nuit rhénane ?
Oups, j'ai fait une faute de frappe, je voulais dire : qu'évoque l'ivresse dans ces poèmes (les poèmes de la section Rhénanes). J'ai compris que l'alcool est le fil conducteur de la section Rhénanes principalement, mais j'ai du mal à comprendre son rôle
Et quoi qu'il en soit, il s'agit d'une ivresse poétique. De quelle autre ivresse pourrait-il être question ?
Mettez-nous vos idées sur la question. Il faut que nous ayons une idée de ce que vous avez fait en cours. Pour ce qui me concerne, je vous répondrai demain sur l'ensemble.
Et bien, notre professeure nous a bien dit que l'ivresse poétique était le fil conducteur de l'oeuvre... à moins que je n'ai pas bien compris
Ce que je comprends, c'est que l'alcool est ici métaphore d'une ivresse poétique, et que cette ivresse poétique reflète la soif de vivre d'Apollinaire. Il me semble qu'elle est aussi propice à une création poétique novatrice, qui se traduit par une syntaxe souvent disloquée, les vers libres et le jeu sur les temporalités entre fixité et mouvement qui miment l'ivresse.
Néanmoins, cela me semble...flou. Je ne vois pas vraiment en quoi l'ivresse poétique est un thème moderne chez Apollinaire.
J'espère ne pas tomber sur Alcools à l'oral...
PS : Aussi, je ne sais pas vraiment comment on fait pour faire les pauses au vers quand ils n'ont pas de ponctuation. Personnellement, je procéderai comme ceci : 6//6 pour les alexandrins et 4//6 pour les décasyllabes. C'est bon? Mais comment on place la césure pour des vers de 13 syllabes (dans la Loreley par exemple) alors qu'il n'y a pas de ponctuation dans la plupart de ses poèmes ??
Cela dépend de la syntaxe de chaque vers.
C'est surtout très général et ça semble s'appliquer au recueil Alcools dans son ensemble et non à la section Rhénanes en particulier.
Le seul fil conducteur dans ces neuf poèmes, c'est le Rhin. En employant la métaphore de l'ivresse, votre professeur a peut-être voulu symboliser la fusion des souvenirs personnels du poète et l'évocation des légendes rhénanes, au point qu'il est difficile de tracer une frontière nette entre le "réel", et ce qui relève de la légende. Mais il est quand même dommage qu'on soit réduit à se demander ce qu'il a voulu dire.
N'avez-vous pas eu un cours plus complet là-dessus ?
L'absence de ponctuation ne gêne pas la scansion.
- Nuit rhénane est écrit en alexandrins réguliers presque tous césurés à l'hémistiche (ce n'est pas le cas du vers deux, par exemple, mais l'absence de ponctuation n'y fait rien, le vers n'en aurait pas eu de toute façon)
- Mai est aussi en alexandrins, mais moins réguliers. Ainsi, les vers 7 et 11 déplacent la césure après la 7ème syllabe (césure enjambante). Le rythme est désarticulé ; vous lisez sans trop appuyer les "e" qui doivent être prononcés, le dernier e de "celle" et de "roulotte", par exemple.
- La synagogue est écrit en vers libres. On peut faire des élisions dans les vers les plus longs, mais pas systématiquement, comme en prose.
- Les Cloches est écrit en octosyllabes. Ce vers n’a normalement ni césure ni pause (sauf bien sûr à l’avant-dernier vers). Le dernier vers n’a que cinq syllabes.
- La Loreley comporte des alexandrins souvent irréguliers. Les vers de treize syllabes ont en principe une syllabe féminine surnuméraire au premier hémistiche. Ils peuvent être ramenés à douze syllabes en pratiquant des élisions (césures épiques).
Ex : Je flambe dans ces flamm(es) // ô belle Loreley
Qu’un autre te condamn(e) // tu m'as ensorcelé
Mais ce n’est pas ce qu’Apollinaire souhaitait nécessairement, surtout à l’époque plus tardive de la constitution d’ Alcools. On peut donc prononcer légèrement ce e.
- Schinderhannes est en octosyllabes.
- Rhénane d’automne est en vers libres.
- Les sapins est en octosyllabes (vers 1-2-4-5 de chaque strophe) et en hexasyllabes(vers 3 e chaque strophe).
D'une manière générale, il faut éviter de lire trop vite et "tout à la suite".
Concernant la section Rhénanes, notre professeure nous a dit que cette section était inspiré de son voyage en Allemagne et de sa rencontre avec Annie Playden. Le poète se nourrit de ses traditions (avec les stéréotypes de la femme allemande dans le poème Nuit Rhénane par exemple) et y mêle des légendes (Les 7 Nixes, la Loreley, mythe des Parques dans Les Femmes ). Il y a donc un mélange des genres, puisque le réalisme du Rhin, qui se fait témoin des événements côtoie tantôt le merveilleux (dans La Loreley surtout) , tantôt le fantastique.
Après, elle nous a dit quelque chose que je ne comprends pa très bien : le Rhin est ici baigné de légendes dans l'ensemble de la section Rhénanes, et que le poète ne perd jamais le fil avec le vin dionysiaque. Cependant, dans La Loreley ou Les Femmes, je ne vois pas où le poème évoque le vin dionysiaque....
Quel est le "rôle" de ce vin dionysiaque ? Est-il, comme l'alcool, prétexte à l'ivresse poétique ? Ou faut-il davantage se concentrer sur son effet désinhibiteur, qui libère la parole poétique et qui souffle un vent de liberté dans sa poésie ? (ce qui explique donc pourquoi il utilise le vers libre en parallèle) ?
Je vous remercie encore pour votre aide, j'ai moins de zones d'ombre maintenant (même si quelques unes subsistent encore
EmeraudeTurquoise
Mais les Rhénanes sont majoritairement de 1901-1902...
En effet, on ne peut vraiment trouver ce thème que dans le premier poème. L'évoquer pour les autres, c'est en fait anticiper sur le sens du titre général.
Certes Alcools, une fois constitué, forme un tout (disparate !) et d'autre part, Apollinaire n'y a pas inclus tous les poèmes "rhénans" écrits à l'époque où il était en Allemagne et par la suite. Mais le principe dionysiaque ne me paraît pas être le critère dominant qui l'a guidé dans le choix de ces neuf poèmes ; c'est pourquoi je vous disais que l'ivresse ne saurait être ici un thème en soi, au contraire de l'eau. Dans le premier poème seul, l'alliance de l'eau et du feu justifie l'idée d'alcool et donc celle d'ivresse qui saisit même le fleuve.
Le point commun des Rhénanes, il est dans un rapport nouveau entre le moi et le poème. Jusqu'ici, Apollinaire est plutôt post-symboliste, ses poèmes créent un monde en marge du monde réel et contiennent beaucoup d'érudition (cf. L'Ermite, Le Larron, Merlin et la vieille femme). Dans les Rhénanes, peut-être sous l'influence du cadre et de l'amour pour Annie Playden, il va davantage exprimer l'écho de sa voix intérieure, devenir plus simple, accueillir plus directement le flot d'images qui passe dans sa conscience (d'où la fusion constante du "vécu" et de l'imaginaire, bien rendu par la suppression de la ponctuation), en évitant le filtre d'une culture trop livresque. C'est cette manière plus simple, plus humble qu'a Apollinaire de concevoir le rapport entre le "moi" et le poème qui en fait son charme et sa nouveauté à l'époque, alors même qu'il renoue avec des thèmes apparus bien auparavant dans la littérature, mais qu'il exprime autrement. Tel celui de la fuite du temps et des amours déchus, si bien symbolisés par l'écoulement du Rhin et par certaines légendes, comme celle de la Loreley (bon exemple du mélange du vécu et de la légende, puisque la Lorelei est un haut rocher qui domine le Rhin en face de Bacharach, et où le poète avait amené Annie en lui donnant à choisir entre le mariage et... une chute dans le Rhin !!!). C'est cette sincérité, alliée à la tonalité élégiaque presque constante qui symbolise ici et ailleurs un des aspects majeurs - pas le seul ! - de la poétique d'Apollinaire : tout passe comme le Rhin s'écoule et on ne peut que regarder derrière soi, comme Orphée, le fantôme de ce qu'on a vécu, et qui ne reviendra plus, sauf dans le poème, qu'on peut lire et relire inlassablement... Même dans un poème comme Mai, c'est évident dès le vers 2. Seul contre-exemple, là encore, Nuit rhénane et la permanence peut-être entrevue de l'ivresse (je n'interprète pas le dernier vers comme on le fait souvent).
Dernière question: en quoi l'ivresse poétique est-elle un "thème" nouveau chez Apollinaire? Qu'est-ce qu'il cherche à montrer à travers ce thème? Renouveler le langage ? S'affranchir des contraintes de la poésie classique ?...
Est-ce qu'il recherche à poser un regard neuf sur le monde, en témoignant d'un "esprit nouveau" ? Mais je ne sais pas trop comment il l'exprime...
Quel est le but de cette modernité poétique?
A l'époque, Apollinaire n'écrit pas encore dans le but d'être moderne, il l'est de fait, parce que son discours poétique est neuf et qu'il déstabilise nombre de ses contemporains, mais si c'est à l'échelle d'Alcools qu'il faut répondre, le sujet est beaucoup trop vaste, pardonne-moi de ne pas y répondre. Il fallait vous manifester plus tôt.
Je prends un exemple de cette "ivresse" qui s'empare du poète dans la manière de filer une image. Dans Rhénane d'Automne (qui fait partie de ce que vous devez revoir) on trouve :
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux
Il éteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mère
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh ! je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupées
Non non ce sont les feuilles mortes
Ce sont les mains des chères mortes
Ce sont tes mains coupées
Voici les séries d'images filées qui s'expriment ici :
feuilles mortes - mains coupées - mains des mortes - tes mains coupées ;
enfants et morts - enfants morts - mère - (mères) mortes - feuilles mortes - main des mortes ;
L'ivresse peut se concevoir ici dans l'absence (au moins apparente) de contrôle dans le passage d'une image à l'autre, et surtout dans l'entrecroisement des réseaux d'images. Tout cela à partir d'éléments pris dans le "vécu" le plus quotidien (cérémonie au cimetière) et qu'on aurait pu juger stables. De plus, vous pouvez noter l'irruption de la seconde personne, que rien dans ce qui précède n'avait préparé.
Autrement dit, tout se passe comme si l'auteur écrivait "ce qui lui passe par la tête" ou qu'il joue sur les mots sans vouloir construire quelque chose de cohérent et sans nous donner non plus des clés d'interprétation aisément saisissables. Une étape ultérieure consistera à gommer les intermédiaires dans ces séries d'image, et à créer ainsi des images pré-surréalistes, saisissantes à cause du fossé qu'il y a entre les éléments extrêmes constitutifs de l'image, comme à la fin de Zone, où l'on retrouve d'ailleurs la même idée de "coupure" :
Soleil cou coupé.
De fait, on dépasse de beaucoup ici la comparaison classique (encore présente dans les Rhénanes malgré tout) et on est presque au-delà de la métaphore : on est dans un vertige qui saisit le poète et son discours, et qui peut faire parler d'ivresse, mais pas en tant que thème.
Je me sens plus à l'aise pour l'oral de demain grâce à vous