Grammaire du français

Place du pronom personnel à l’impératif - "Donne-le-moi"

Bonjour à tous, voici ma première question sur votre forum.
La forme correcte de cette phrase est bien celle citée dans le titre du sujet, toutefois ma question se porte sur la forme suivante que j'ai pu souvent entendre à l'oral :" Donne-me-le".
Cette forme est elle correcte ou bien serait-ce un régionalisme du style "donne moi-z'-en".
Cordialement
«134

Réponses

  • Moi est le complément d'objet second, donc il se place en second :)
  • La forme "donne me le" n'existe pas.
  • Les formules correctes seront:
    *donne-le-moi (et non donne-me-le ou donne-le-me)
    *donne-m'en (et non donne-moi-z-en)

    A confirmer.
  • Je pense que si "donne-moi-z'en" est une forme erronnée et employée à l'oral uniquement, donne-me-le pourrait être une survivance des formes anciennes où le pronom étant décliné on reconnaissait sans erreur lequel était COD et lequel était l'objet second (ou le circonstanciel)
    Marot écrivait au XVème siècle (en langue d'oïl)
    "pour le vous faire entendre
    Donne-me-le était peut-être correct à cette époque
  • J'ai fait une petite recherche avec donne me le. La forme est employée en Suisse romande, donc le régionalisme a passé la frontière.

    Il est interessant de voir qu'à l'impératif positif on dit "donne-le-moi" alors qu'au négatif ce sera "Ne me le donne pas"
    Le pronom tonique "moi" a remplacé "me" comme "lui" a remplacé "le" ou "la" dans certaines constructions. J'ai l'impression que c'est dans les cas où "moi" ou "lui" est complément d'attribution
    On dira "je la vois" "je le vois" mais je LUI donne
    Parce qu'évidemment on donne qq chose, et si ce qq chose est remplacé par un pronom ce pronom étant "le" ou "la" il y aurait confusion avec "le" ou "la" mis pour la personne à qui l'on donne
    Ce livre, je le LUI donne
    Cette image, je la LUI donne (lui est dans ce cas neutre)
    On ne peut pas dire "ce livre je le le donne" on "cette image je la le donne"
    Alors qu'on dit "je LE vois" "je LA vois"
    Et on dit "je TE le donne" ou "je TE la donne"
    Mais : donne-le toi !
    Je ME le donne
    Mais : Donne-le moi
    C'est vraiment très amusant !
  • Bonsoir !

    Je vais tâcher de mettre nos idées en place.
    Pour faire simple, je me limiterai (sauf dans l’énoncé des règles) au pronom personnel de la troisième personne du singulier, en éliminant les formes réfléchies.

    Je vous rappelle d’abord LES FORMES SELON LES FONCTIONS :
    FORMES CONJOINTES :
    1 sujet : il / elle,
    2 COD ou attribut : le / la,
    3 COI : lui,
    FORMES DISJOINTES : lui / elle.
    (Je ne rappelle pas les emplois des formes conjointes et disjointes ; ce n’est pas le sujet.)

    PLACE DU PRONOM PERSONNEL
    A) SUJET : sauf dans les inversions d’usage, il précède le sujet.
    * Il / Elle vient.
    → Vient-il ? Vient-elle ?

    B) COMPLEMENT
    1 PRONOM UNIQUE : il précède le verbe,
    * Il LE donne. Je LE (attribut) serai. Il LUI parle.
    sauf à l’impératif AFFIRMATIF : il suit le verbe,
    * Donne-LE. Parle-LUI.
    Mais : Ne LE donne pas. Ne LUI parle pas.
    sauf aussi lorsque le pronom est disjoint.
    * Il n’a rien POUR LUI.

    2 PRONOMS MULTIPLES.
    L’ordre est le suivant :
    1 COI autre que lui / leur : me, te, se nous, vous,
    2 COD : le, la, les,
    3 lui / leur,
    4 en, y.
    * Je TE LE donne. Je LE LUI dirai. Je LUI EN donnerai. Je L’Y ferai penser.

    EXCEPTION : à l’impératif affirmatif, l’ordre est le suivant :
    1 COD : le, la, les,
    2 COI : moi, toi, lui, nous, vous, leur,
    3 en, y.
    * Donne-LE-MOI. Donne-M’EN. Fais-L’Y penser. (Bizarre !)
    Mais : Ne ME LE donne pas. Ne M’EN donne pas. Ne L’Y fais pas penser.

    Vous remarquerez que les traits d’union ne se rencontrent qu’à l’impératif affirmatif, quand le ou les pronoms sont en postposition. (Outre en cas d’inversion du sujet.)
    N’oubliez pas que ces traits d’union doivent parfois être multiples et que l’élision prévaut sur lui : ° Donne-MOI-EN. → Donne M’EN.

    Pour répondre à une des questions, je précise que le COI précède parfois le COD à l’impératif affirmatif ; comme dit, Grevisse, il y a du flottement dans l’usage.
    * Rends-nous-les. (Hugo)
    * Montrez-moi-la. (Proust)
    * Faites-nous-le. (Renard)
    * Rends-nous-la. (Bernanos)
    * Dites-nous le. (Montherlant) (Trait d’union oublié)
    * Tenez-vous-le pour dit. (Particulièrement fréquent.)
    Dans cette perspective, la forme suivante est correcte :
    * Donne-moi-le.

    Voilà un grand nombre de répondants, et des meilleurs. Il n’empêche que l’usage habituel est plutôt :
    * Rends-les-nous. Montrez-la-moi. Faites-le-nous. Rends-la-nous. Dites-le-nous. Donne-le-moi.
    Et même : Tenez-le-vous pour dit.

    Vous me direz que tout cela est bien compliqué. C’est l’usage qui l’est. Les grammaires ne font qu’entériner le bon usage, en essayant de le structurer.
    Je ne veux pas vous décourager, mais, dans Grevisse, la matière du pronom personnel fait 51 pages. Vous avez matière à piocher, autant que moi.
  • Bonsoir

    Je trouve dans un livre d'exercices :

    rends-le moi
    donne-le moi

    Il manque un 2ème trait d'union n'est-ce pas? à moins qu'il soit facultatif ?

    Merci d'avance pour votre réponse!
  • EdyEdy Membre
    Bonsoir, Christineh !

    GREVISSE .
    * Lorsque le verbe est accompagné de deux pronoms personnels, l'un direct, l'autre indirect, ils se mettent après le verbe [à l'impératif affirmatif] avec DES traits d'union.
    - Montre-les-moi.
    - Dis-le-moi.

    Il cite avec un sic :
    - Passez-la moi [sic] au bout du fil. (Ionesco)

    Manifestement, les seconds traits d'union manquent dans ce livre d'exercices.

    Bonne soirée !
    Edy
  • Heureusement, pas d'exception à la règle!

    Merci encore Edy et bonne nuit! Les moutons attendent....
  • j'ai une copine qui vient du Sud-Ouset et qui prétend que dans la région , on peut dire "donne me le".
    Elle le dit souvent , moi ça m'agresse les oreilles !!
  • EdyEdy Membre
    Bonsoir, Emilie !

    La forme usuelle est : * Donne-le-moi.
    * Montre-les-moi. (Simone de Beauvoir)
    * Dis-le-moi. (Françoise Sagan)

    Il y a cependant du flottement dans l'usage et on rencontre :
    * Rends-nous-les. (Hugo)
    * Montrez-moi-la. (Proust)

    On peut donc accepter : * Donne-moi-le.

    Mais sûrement pas : * Donne-me-le. (Même avec des traits d'union)
    Le COI doit en effet avoir ici la forme disjointe : moi.
  • seb a écrit:
    La forme "donne me le" n'existe pas.
    C'est la forme courante dans la plupart des parlers picards. Dans certains cas l'on entend "donne mé le", dans d'autres (plus fréquents) "donne me l " , deux syllabes, me l comme dans melon elision de l'e.
  • Dans le centre de la France, ma région natale, j'entendais parfois Donne-le-me.
    Mais ces régionalismes ne sont pas syntaxiquement corrects.
  • L-A woman a écrit:
    Mais ces régionalismes ne sont pas syntaxiquement corrects.
    C'est bien ainsi que je l'entendais.
  • "Donne-me-le", je ne l'ai jamais entendu, alors que "donne-moi-le" me semble assez fréquent (mais pas très beau, ni très correct). On notera que la défense devient alors logiquement "donne-moi-le pas" au lieu de "ne me la donne pas".

    Au XVIIe, le complément pronom n'accompagnait pas toujours l'infinitif qu'il complétait mais parfois le verbe modal conjugué : on disait "je le puis croire", "je le veux oublier", "je lui dois obéir". Néanmoins, je crois qu'il s'agissait là d'un trait de langue poétique (et du théâtre tragique, bien sûr).
  • AmélieD a écrit:
    "Donne-me-le", je ne l'ai jamais entendu, alors que "donne-moi-le" me semble assez fréquent (mais pas très beau, ni très correct). On notera que la défense devient alors logiquement "donne-moi-le pas" au lieu de "ne me la donne pas".
    En Picardie rurale, c'est bien ainsi que l'on s'exprimerait.

    AmélieD a écrit:
    Au XVIIe, le complément pronom n'accompagnait pas toujours l'infinitif qu'il complétait mais parfois le verbe modal conjugué : on disait "je le puis croire", "je le veux oublier", "je lui dois obéir". Néanmoins, je crois qu'il s'agissait là d'un trait de langue poétique (et du théâtre tragique, bien sûr).
    Je trouve ces tournures bien jolies... Dommage qu'elles soient devenues difficiles d'emploi...
  • Hugo a écrit ce bel alex
    Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
  • JehanJehan Modérateur
    Il a aussi écrit, dans les Odes et ballades (Le pas d'armes du roi Jean), cette strophe en vers de trois pieds :

    "Par saint Gille
    Viens-nous en,
    Mon agile
    Alezan..."
  • Très osées ces licenses poétiques de Victor Hugo...

    Cet alex est finalement une sorte de syncope de ces phrases ou d'autres équivalentes :

    Veux-tu...

    (Changement d'idée)

    (Ah !) Nous en aller...

    Dans la profondeur de la forêt, sous les sombres frondaisons.

    Il suffirait d'une virgule ou de points de suspension après Veux-tu pour supprimer quasi totalement l'étrangeté de la formulation.

    Hugo était un avant-gardiste, il aurait sans-doute bien aimé jouer avec le participe futur...

    Zorah
  • JehanJehan Modérateur
    "Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?"

    Je ne pense pas à un changement d'avis en cours de vers...
    Victor sait très bien ce qu'il veut, le coquin !
    Il y a en fait une audacieuse fusion de pronoms (prélude à une autre fusion...)
    qui bouscule la syntaxe habituelle.

    Sans la contrainte de l'alexandrin, il aurait pu dire :
    "Veux -tu t'en aller avec moi sous les arbres profonds ?

    Toi + moi = nous
    Veux-tu nous en aller...

    Même chose pour l'alezan :

    Viens t'en avec moi. Mais cinq pieds, c'est trop long !
    Toi + moi = nous
    Viens nous en
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.