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Litote ou euphémisme ?

Bonjour,
Dans les Animaux malades de la peste, le renard emploie le terme "croquer" pour désigner le fait que le lion ait dévoré les moutons.
Ma prof nous a dit que c'était une litote. J'ai plutôt tendance à dire que c'est un euphémisme.
J'ai consulté les fiches du site mais j'aimerai une explication sur la nature de cette figure de style.
Merci
Dans les Animaux malades de la peste, le renard emploie le terme "croquer" pour désigner le fait que le lion ait dévoré les moutons.
Ma prof nous a dit que c'était une litote. J'ai plutôt tendance à dire que c'est un euphémisme.
J'ai consulté les fiches du site mais j'aimerai une explication sur la nature de cette figure de style.
Merci
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Réponses
La litote, c'est le fait d'affirmer le moins pour suggérer le plus. Au lieu de dire "Il était paniqué", je peux dire : "Il n'était pas très à l'aise".
Ici, je suis d'accord avec vous, on a plutôt un euphémisme, c'est-à-dire un terme plus doux que celui que l'on attendrait habituellement ou logiquement.
dire à quelqu'un "Tu m'as un peu manqué" (pour suggérer que cette personne m'a en fait beaucoup manqué), est-ce une litote ou un euphémisme ?
Merci.
"Ah ! Sais-tu que tu m'as un peu manqué ?"
On se doute que cet "un peu" dissimule un "beaucoup", on est donc du côté de la litote.
"Oui, j'avoue, j'ai pris un peu de vin"
On peut douter de l'objectivité de ce "un peu", plus probablement là pour adoucir l'effet de l'aveu : si tel est le cas, on est du côté de l'euphémisme.
"Si vous n'êtes pas trop bêtes (Euphémisme) alors
je suis incroyablement stupide... (Litote)"
Cette phrase devrait signifier si on suit mes indications entre parenthèses:
"Si vous êtes complètement abrutis alors je suis on ne peut plus intelligent..."
Cette traduction est elle juste?
"je suis incroyablement stupide" est à comprendre au sens littéral, à savoir : "je suis vraiment très stupide", sans atténuation de sens...
Bonne journée
Bonjour.
Je pense que tu as raison. Mais au lieu d'employer le teme "croquer", c'est mieux de dire
" caresser avec ses croques" ou "envoyer au Ciel" ?
Le mot croquer est d'une atrocité un peu fort ?
Premièrement : une figure en cache souvent une autre. Par exemple, dans "Ah ! Sais-tu que tu m'as un peu manqué ?" et "Oui, j'avoue, j'ai pris un peu de vin", on a clairement affaire à des antiphrases. En effet, comme le remarque justement URSUS, dans les deux cas, « un peu » veut dire « beaucoup », c'est-à-dire exactement son contraire! (pour une démonstration imagée de cette figure, voir BDstyle.ca). On peut pousser l'ironie encore plus loin avec un bel oxymore « un peu beaucoup », tout à fait courant dans la langue familière.
Deuxièmement : toute figure de style reposant sur une distorsion de l'énoncé courant, normal, ordinaire, l'approximation est inévitable selon le contexte. La proposition de CHARLYMG
"Si vous n'êtes pas trop bêtes (Euphémisme) alors
je suis incroyablement stupide... (Litote)"
Cette phrase devrait signifier si on suit mes indications entre parenthèses:
"Si vous êtes complètement abrutis alors je suis on ne peut plus intelligent..."
peut s'interpréter selon les contextes suivants :
- les deux énoncés constituent des figures de style
- un seul des énoncés constitue une figure de style, l'autre pas;
- aucun des énoncés ne constitue une figure de style.
Ce dernier cas surviendrait lors de l'opération manquée d'un commando où le chef se serait fourvoyé plus que les autres. On aurait alors affaire à un parallélisme (autre figure disponible sur le site gratuit bdstyle.ca).
Bref, les discussions théoriques sont souvent stériles si elles ne s'ancrent pas dans le contexte. Et si on en tient compte, le propre de la figure de style étant de décaler la réalité, de ce décalage découle une certaine marge d'approximation.
Ce qui ne veut pas dire - comme on l'entend trop souvent en milieu scolaire - que, par exemple, « un poème peut s'interpréter comme on veut »! JAMAIS! Comment peut-on imaginer qu'un écrivain, qui a ciselé sang et eau son texte pour le rendre conforme à ses sentiments et ses pensées, l'ait livré pour qu'on en pense ce qu'on veut! Même pour le cas limite des textes hermétiques, il ne saurait en être question.
Le paradoxe des formulations littéraires, c'est qu'elle évoquent des idées, des sentiments très précis alors qu'elles distordent, décalent la réalité.
Ce n'est pas seulement la litote qui « fait jaillir (le sens) dans toute sa force », c'est le propre de toute figure de style réussie!
Il faut relire le texte de Jean de La Fontaine pour trancher correctement entre litote et euphémisme.
On pourrait, comme le fait remarquer tatuyaishikawa, que le mot "croquer" est assez provocateur pour ne pas dire choquant. Au lieu d'employer ce terme pour amoindrir l'effet (euphémisme), il eut été préférable d'utiliser une formule plus douce comme "caresser de ses crocs" ou "envoyer au Ciel".
On conclurait alors que l'objectif de l'auteur était bien de provoquer l'effroi et pas d'adoucir la scène. La figure de style serait ici une litote. La Prof aurait donc bien raison.
Mais... voici un extrait du texte :
On voit qu'ici le Renard prend la défense du Lion et cherche à atténuer les fautes de celui-ci.
Loin de vouloir accentuer l'effet dramatique sur l'auditoire par un mécanisme de minimisation inattendue, il cherche au contraire à amoindrir le crime qu'il décrit, pour rendre une pseudo-justice partisane.
Il s'agit donc d'un euphémisme. Dommage pour la Prof...
Ma foi, cela dit bien ce que cela veut dire.
Si de plus comme je l'imagine, le lion croque à belles dents, je ne vois pas en quoi croquer est plus doux que dévorer.
La Fontaine ne cherche pas à atténuer l'arbitraire léonin.
En utilisant ce verbe sonore (onomatopée de croc), le fabuliste entend souligner la cruauté sadique du monarque.
Et pour quelle raison ce dernier souhaiterait-il accentuer la cruauté du Lion ? Il prend justement sa défense...
Quant à l'auteur, son objectif n'est pas de défendre tel animal ou de blâmer tel autre, mais de montrer les travers d'une justice qui n'en est pas une.
Pour ce qui est de l'intensité de l'horreur, précisément : "croquer" est moins fort que "dévorer". Croquer n'est pas plus barbare que manger. Dès lors qu'il s'agit de porter une nourriture à la bouche et de la réduire en bouillie avec les dents. Il arrive quotidiennement de croquer tel ou tel aliment, fruit ou autre, il est plus rare de dévorer son repas. Cela implique une faim prononcée et/ou un comportement frénétique quasi bestial.
Comme le fait très justement remarquer Ursus, ce qui importe c'est le contexte et le co-texte.
Chacun y verra et ressentira ce que bon lui semble, mon objectif n'est pas de convaincre, mais personnellement je reste attaché à la notion d'euphémisme pour cet exemple de Coffee.
C'est toujours La Fontaine qui tient la plume. Nous avons là de sa part une délicatesse antiphrastique du plus bel effet. L'auteur des Fables sait manier l'ironie.
Loin de voir dans l'utilisation du verbe croquer un euphémisme, j'y sens toute la délectation que put ressentir le croqueur à manger sa proie.
Comme on croque une pomme (à condition d'aimer les pommes ) ou un morceau de chocolat. Mmmmm...scrontch...