Il faut définir les termes de façon très précise, et essayer de répondre à la question! Ici, le sujet paraît d'emblée problématique: comment être notre propre ami? C'est tout de même pas courant! C'est une question qui paraît tout de suite bizarre, originale, mais il faut sérieusement se la poser.
Quelques pistes de réflexions:
L'amitié est une relation paisible et satisfaisante entre personne. Elle suppose amour (cf. étymologie du mot), confiance, et égalité (autrement il se transforme en respect ou en bienveillance). Elle suppose enfin un dialogue.
Cette personne, sujette à mon amitié, ne pourrait-elle pas être moi-même? Aristote distingue les amitiés par plaisir, par intérêt, et par vertu. Permettant amour de soi-même, confiance en soi-même, dialogue avec soi-même, cette amitié envers soi-même pourrait alors bien appartenir à la dernière catégorie.
Si l'on suppose avec Aristote que le bon ami est celui qui nous ressemble, il semble alors naturel d'être l'ami de soi-même! Celui qui nous ressemble le plus, n'est-ce pas nous-mêmes?
Cependant, l'amitié envers soi-même, n'est-ce pas un autre nom pour de l'égoïsme? Ou cet alter ego que nous créons pour être notre ami, est-ce vraiment nous-mêmes? Ne suppose-t-il pas un dédoublement de personnalité toujours imparfait?
À ce niveau de la réflexion, je t'invite à te pencher sur le "soi-même" dans le sujet, et à le définir avec précision. Ricoeur distingue le "soi-même" du "soi" en distinguant en latin "idem" et "ipse". C'est un peu compliqué, mais voilà le texte, il peut servir dans ta troisième partie:
Répondre à la question « qui? », comme l'avait fortement dit Hannah Arendt, c'est raconter l'histoire d'une vie. L'histoire racontée dit le qui de l'action. L'identité du qui n'est donc elle-même qu'une identité narrative Sans le secours de la narration, le problème de l'identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l'on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l'on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n'est qu'une illusion substantialiste, dont l'élimination ne laisse apparaître qu'un pur divers de cognitions, d'émotions, de volitions. Le dilemme disparaît si, à l'identité comprise au sens d'un même (idem), on substitue l'identité comprise au sens d'un soi-même (ipse); la différence entre idem et ipse n'est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l'identité narrative.
Temps et récit, 3. Le temps raconté, Paul Ricoeur, Conclusion, "La première aporie de la temporalité : l’identité narative"
L'amitié envers soi-même n'est plus un simple égoïsme, mais l'idée que nous avons de nous-mêmes, et que nous nous projetons mentalement. Cet ami/soi-même est autre que nous, il est la projection que nous avons de nous-mêmes.