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Diplôme national du brevet

Brevet 2014 – Sujet de l’épreuve de français

Diplôme national du brevet 2014

Épreuve de français (série générale)

Durant la deuxième guerre mondiale (1939-1945), Paul a été condamné à mort par les nazis. C’est sa dernière rencontre avec sa femme.

Paul

Je sais que tu es brave, je sais que tu sauras vivre sans moi. Il faut que tu vives, toi.

Françoise

Je ne sais pas, Paul. (À part) Toute ma vie s’engloutissait et je ne voulais pas lui montrer que j’avais mal, que la douleur qui me serrait devenait insupportable.

Paul

Si, je sais que tu es brave. Françoise, nous avons lutté de tout notre cœur. Je tombe avant de toucher au but, mais toi tu verras la victoire.

Françoise

(À part) Et moi je pensais : que m’importe la victoire sans toi. (À Paul) Ô Paul, nous n’avions jamais pensé que la victoire ce serait cela.

Paul

Si Françoise. Souviens-toi. Nous le disions.

Françoise

Ô Paul. Dire et savoir, quelle différence !

Paul

Nous gagnons. Les nôtres se lèvent de tous côtés. Georges a réussi à avoir des nouvelles du dehors. Ils reculent partout.

Françoise

(À part) C’était faux. Les prisons sont toujours pleines de fausses bonnes nouvelles. En mai 1942, vous savez où étaient les armées hitlériennes. Elles avançaient partout, elles atteignaient presque la Volga.

Paul

C’est pourquoi ils se hâtent d’abattre ceux qu’ils tiennent. Mais ils ne nous auront pas tous. Des milliers se lèvent qui nous remplaceront et nous vengeront.

Françoise

Hélas Paul. Toi…

Paul

Nous nous battons pour la liberté. Que tous les combattants ne soient pas au défilé, chacun le sait avant de s’engager et aucun ne voudrait déserter parce qu’il risque de tomber avant la fin. Ce qui serait horrible, ce serait de mourir pour rien, de mourir sans avoir rien fait de sa vie. Nous avions choisi, toi et moi.

Françoise

Je n’avais pas choisi de te perdre, jamais. J’avais toujours pensé que nous tomberions ensemble, si nous tombions.

Paul

Chérie ! Tous les combattants ne sont pas frappés au même moment. Heureusement. Où serait la victoire si tous succombaient. Tu vivras, toi. Oh ! que j’en suis heureux.

Françoise

Paul.

Paul

Chérie, sois forte comme tu l’as toujours été.

Françoise

Je le suis, Paul. Je le serai. (Silence. Elle lui caresse les cheveux.)


Charlotte Delbo (1913-1985), Une scène jouée dans la mémoire, 2001 (édition posthume).

Première partie : questions, réécriture et dictée (25 points)

Toutes vos réponses devront être rédigées.

Questions (15 points)

  1. « Nous avions choisi, toi et moi » (ligne 21). De quel choix Paul parle-t-il ? (1 point)
  2. Françoise partage-t-elle ce choix ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (1,5 point)
  3. Comment l’opposition entre les deux personnages apparaît-elle dans leurs répliques ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant précisément sur le texte. (2 points)
  4. Quels sont les arguments de Paul pour convaincre Françoise que leur combat en vaut la peine ? (1,5 point)
  5. « J’avais toujours pensé que nous tomberions ensemble » (lignes 22-23) (1,5 point)
    1. Quel sens donnez-vous ici au verbe tomber ? (0,5 point)
    2. Identifiez le temps de ce verbe et justifiez son emploi. (1 point)
  6. Selon vous, à qui Françoise s’adresse-t-elle dans les apartés ? (1,5 point)
  7. Une scène jouée dans la mémoire : comment comprenez-vous ce titre à la lumière du texte ? (3 points)
  8. Si vous étiez metteur en scène, quels éléments de décor (lieu, éclairages, sons…) choisiriez-vous ? Développez votre réponse en justifiant vos propositions. (3 points)

Réécriture (4 points)

Réécrivez ces deux phrases en remplaçant « tu » par la troisième personne du pluriel, au féminin. Vous ferez toutes les modifications nécessaires :

« Je sais que tu es brave, je sais que tu sauras vivre sans moi. Il faut que tu vives, toi. ».

Dictée (6 points)

Beaucoup parmi les gens de la résistance passent la plupart de leur temps dans les trains. On ne peut rien confier au téléphone, au télégraphe, aux lettres. Tout courrier doit être porté. Toute confidence, tout contact exigent un déplacement. Et il y a les distributions d’armes, de journaux, de postes émetteurs, de matériel de sabotage. Ce qui explique la nécessité d’une armée d’agents de liaison qui tournent à travers la France comme des chevaux de manège. Ce qui explique aussi les coups terribles qui les atteignent. L’ennemi sait aussi bien que nous l’obligation où nous sommes de voyager sans cesse.


Joseph Kessel, L’Armée des ombres, 1963.

Deuxième partie : rédaction (15 points)

Vous traiterez au choix l’un des deux sujets de rédaction suivants.

  1. Rédigez la dernière lettre de Paul à ses enfants.
    Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).
  2. D’après vous, l’expression artistique (littérature, théâtre, cinéma, musique, peinture, etc.) apporte-t-elle quelque chose à l’évocation des événements du passé ?
    À l’aide d’exemples historiques et / ou personnels de votre choix, vous présenterez votre réflexion dans un développement argumenté et organisé.
    Votre texte fera au moins deux pages (soit une cinquantaine de lignes).