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Bac français 2012, corrigé des questions

Bac de français 2012, séries technologiques

Corrigé des questions

Ce corrigé a été rédigé par Jean-Luc.

1. Quels pronoms personnels désignent l’adolescent dans ces trois poèmes ? Comment interpréter ces choix différents ? (3 points)

L’adolescence est considérée comme une période de perturbation en raison des déséquilibres hormonaux et de l’émotivité qu’ils entraînent. Elle se traduit notamment, pour la personne, par des difficultés à assumer les transformations de son être. Arthur Rimbaud, dans le poème « Roman », tiré du Cahier de Douai, alors qu’il a « dix-sept ans », nous décrit ses émois sentimentaux à la vue d’une jeune fille rencontrée un soir sur la promenade. Blaise Cendrars, dans la « Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France », nous partage, comme jeune narrateur d’« à peine seize ans », les bouffées qui le saisissent dans la lointaine Moscou. Enfin René Char, dans « L’adolescent souffleté », extrait des Matinaux, évoque de manière allusive une punition corporelle reçue d’un adulte. Comment l’emploi des pronoms personnels peut-il justement nous permettre d’interpréter le ressentiment des troubles vécus au cours de l’adolescence ?
Arthur Rimbaud en utilisant le pronom indéfini « on »1 avec sa valeur de pronom personnel de la première personne du pluriel, « nous », se sert d’abord d’une langue familière car il ne se reconnaît pas dans le langage soutenu prétentieux des adultes. Il cherche ensuite une complicité avec son lecteur, mais veut en même temps garder sa distance avec des émotions jugées un peu ridicules dans leur emphase. Blaise Cendrars s’affirme dans un « je » qui revendique l’originalité de son aventure et du bouillonnement qu’elle provoque. Il est fier de son « adolescence […] si ardente et si folle ». René Char, quant à lui, se réfugie derrière un « il » qui éloigne la souffrance et surtout l’humiliation des « coups » reçus.


1 « On » a gardé aussi sa marque grammaticale de pronom indéfini. En effet les « vous » à valeur indéfinie dans les strophes III et IV (alors que nous attendrions logiquement des « nous ») indiquent qu’ils fonctionnent comme des compléments de ce type de « on ».

2. Quelles expériences vécues par les adolescents évoquent ces poèmes ? Que leur apportent elles ? (3 points)

Ces textes expriment tous la violence des sentiments. Le jeune Rimbaud sent son corps vibrer à toutes les sollicitations du printemps. C’est l’ivresse : « On se laisse griser. / La sève est du champagne et vous monte à la tête… / On divague ». Il s’éprend de la première demoiselle bourgeoise rencontrée… Cendrars, « à 16 000 lieues du lieu de [s]a naissance », échappe aux interdits de son éducation. Il éprouve une « soif » inextinguible, des appétits destructeurs. Lui aussi découvre avec effarement la folie de l’adolescence. L’expérience relatée par Char est plus difficile à interpréter : il évoque peut-être un épisode pénible où un adolescent (est-ce lui-même ?) reçoit des coups à cause d’une faute qu’il n’a pas commise. Il se protège dans le « mutisme » et s’évade en pensée.
Ces événements vécus avec intensité déclenchent l’inspiration, l’envie de coucher le souvenir brûlant sur le papier. Rimbaud trouve ses premiers « sonnets […] de mauvais goût ». Cendrars se juge « si mauvais poète / Qu[’il] ne savai[t] pas aller jusqu’au bout. » Char au contraire se réfugie dans le silence, mais reporte à plus tard, « au moment où, la nécessité de rompre [aura] disparu » la transcription du souvenir en mots. Le plus important reste quand même l’expérience humaine retirée de l’épreuve. Ces scènes semblent avoir joué un rôle initiateur, elles font quitter l’enfance pour aller vers un nouvel état inconnu mais fascinant. Rimbaud suggère par les points de suspension qui finissent « Ce soir-là… » toute la fierté du jeune mâle. Cendrars découvre sa soif d’absolu en « pressent[ant] la venue du grand Christ rouge de la révolution russe », en fondant son existence personnelle dans un grand courant historique. Char, quant à lui, se voit grandi par l’épreuve et devenu adulte « droit et attentif parmi les hommes, à la fois plus vulnérable et plus fort. »

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